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lundi 7 juillet 2014, par Anna Jouy

Malaise que je ressens...
Bientôt chaque semaine le journal de la grande chaîne commerciale dans laquelle je fais mes courses me propose de faire la connaissance d’un auteur romand, un -une auteur de polars, qui semble avoir du succès.
Aucune idée de la qualité ou non de ce qu’il fait je m’en voudrais donc de juger le quidam de la semaine, mais voilà qu’entre deux actions de porc et de tomates du pays, on se met à étaler de l’écriture...
Est-ce vraiment sa place, est-ce ce qu’elle est devenue, un produit dont la qualité se mesurerait à son taux de consommateurs et au succès commercial d’un héros, d’une fiction qui joue le plus souvent avec les paramètres pré- scénarisés façon Hollywood ou séries TV ?
Cette sorte d’aliénation du territoire de l’écriture, passant de nourriture de l’esprit à produit de consommation, activée par la mainmise du devoir de succès en librairie, cette façon ostracise en plus les grands auteurs, les parquant dans des catégories fort éloignées de l’intérêt du public, comme cela démine aussi la prise de parole, son pouvoir et ses répercutions, telle que la liberté de penser et de faire des choix, le devoir d’être.

La gêne se situe aussi dans l’ambiguïté de vouloir, moi aussi, la pleine possession de sa langue par tout un chacun alors que je crois cependant que l’écriture n’est ni un passe-temps, ni un gagne-pain t qu’on ne nait pas tous écrivains.

Cela me choque et m’interpelle de voir qu’on puisse produire une littérature formatée qui se vend, dont on fait des double pages dans des magazines de consommation et loisirs et permettant à son auteur de vivre et qu’à côté l’écrivain, dont le travail d’écrire est si intimement lié à son existence même, soit voué à ne faire que de l’écume sur le ressac du court temps qui lui est imparti. La plupart d’entre eux travaillent en catimini, grappillant ici et là des occasions d’écrire sur leur boulot quotidien.

La recherche même d’un éditeur devient pour moi ambivalente. Je me considère comme quelqu’un qui travaille sa voix, qui le fait avec obstination et entêtement. Rien ne me gênerait plus je crois que d’être montrée entre un produit de lessive et une promotion raclette. Et rien ne m’apparaitrait plus faux également que de prétendre être de l’autre partie, celle des gens de littérature, partie de loin pas atteinte non plus.

Comme en presque tout dans cette société, on monte en épingle le futile et on couvre de sable ce qui devrait nous construire. Comme si cette société avait le don de per-version.

Me reste donc la gêne, la position difficile à tenir qui est d’écrire ici, dans cet abri qui permet de rester un minimum honnête. ..
tout ce qui est dit plus haut est bien connu , je ne dis rien de neuf. mais cette gêne, cette sorte de honte larvée... écrire dans le blabla du monde.

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