Journal poétique / www.jouyanna.ch

journal de l’aube 208

mardi 15 juillet 2014, par Anna Jouy

C’est l’embuscade grise encore que cette aube, dévolue à la pluie, maté boisé de la forêt toute proche. L’heure où la question de l’amour ressemble à une cravate de chanvre sur la gorge, ou alors à cette lourde charge sur le souffle, poitrine de cendres. L’heure où je m’invite pour la énième fois à défaire le chandail chaud du passé, repassant par les motifs pour saisir la faute, ces mailles à l’envers, ces mailles perdues.
De quel état de froid étais-je partie ? De quelle mise à feu ? Que voulais-je changer ? Quel creux absent se pouvait-il combler ? Quelle révolution voulais-je vivre ? Une fête ou un ravage essentiel ?
Enfermée dans ma tête depuis les plus profonds chagrins.
Mes douleurs non reconnues, celles qui m’ont transformée en névrosée, en poète aussi, sont devenues des mots errants. La souffrance jamais réalisée, pleurée par un autre que moi, est demeurée fantôme, parée de tous les mots qui pouvaient- peuvent encore- la faire sortir à la lumière. Et la disséminer. L’autre n’en a pas voulu et je suis restée pétrifiée.
Tout est demeuré dedans, métamorphosé en poème, en soliloque épuisant. La douleur n’a eu aucun moyen de vivre. De l’amour qui aurait pu être, elle avait une chance d’explorer l’air et de se dissoudre dans le lumineux. Disparaitre.
Alors comment donner jour à l’amour quand le point de révolution de celui-ci est tant nié ?
En lisant « le chant de l’être et du paraitre » de Nooteboom, la question de la présence au monde de celui qui écrit… quand les sentiments force de l’être ne peuvent que se transformer en mots, quand est-il de tous les autres ?
Quand est-ce que j’ai cessé de vivre pour ne plus être qu’un peu d’encre ?


le chant de L’être et du paraitre / Cees Nooteboom chez Actes Sud

architecte-lefilm.blogspot.com

< >

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.