Extraire à la presse, cette huile d’un vivre encore, essorer la nuit et ses retenues d’encrier. Mon monde a été cent fois peint et repeint, détaillé aux copeaux. C’est un espace bien trop petit pour faire espérance. Je me cogne aux mots, ils n’ont plus que la presbytie de ma langue pour exister encore. J’emprunte le chemin de la tête, le tunnel imaginaire. Il n’y a guère d’autre voix pour les fuseaux de vocabulaire. Ce ne sont que des choses qui n’existent pas, des paysages ignorés, un univers d’emprunts et de sensations inventées. Je recalcule la page. J’intègre des notions qui ne m’ont jamais dépassée, puisqu’elles n’ont jamais été réelles. Ainsi en doublure, ma vie est riche de morts, de cavaliers et de « tentes cosmiques »* Ainsi, je déballe des cartes comme on déroule son tapis, qu’on l’enduit de formules et qu’il se met à voler.

Il y a tous ceux qui « écrivent de l’écriture » ; ils ont pour elle des loupes, des scalpels. Ce sont des puzzleurs qui remodèlent leur mosaïque et décomposent et recomposent. L’en-jeu est là, dans l’outil qu’est la parole, un outil infini et savant, recelant probablement un mystère inatteignable, un filon. Ce sont des bijoutiers qui mettent les diamants à nu, les « déchâssent » comme pierre essentielle et auto immune. Ils viennent d’un arbre à parole solide, d’une lignée contemporaine, souche fraîche de l’arbre de la Connaissance encore aux fruits savoureux et séduisants.

Il y a ceux qui ne sont faits peut-être que pour raconter des histoires, le genre de bavards à brûler le bois pour la chaleur, à enchâsser des perles pour la beauté d’un cou, à limer le métal pour la bague d’un doigt. Ce qu’ils disent ne se tient pas dans le bijou. Ils racontent l’être à qui il est destiné… Il était une fois un homme puissant qui voulait une bague…

à quoi sert-il d’écrire... bataille de coussins et des plumes qui volent.