Journal poétique / www.jouyanna.ch

batailler

jeudi 11 juin 2015, par Anna Jouy

Mais la cage aux fauves est pleine. La tempête dehors fait rage à coups de fouet. Le grand numéro de cirque est en route. Et tandis que le ciel claque ses lanières sur l’arène, les bêtes tournent en rond et rugissent. Exhibition à haute tension où les dents sont à fleur des corps, où la salive noie les gueules et où on s’attend à la voracité. Pour chacun, quel qu’il soit ce n’est pas une découverte de la violence, qui loge quant à elle gratis et plein tarif en eux, mais l’expression de celle-ci et qui prend des tournures inédites : l’accord parfait avec la mousson élémentaire qui tombe sur eux. Mêmes bruits, mêmes frappes, mêmes cinglées d’injures. Mêmes rythmes, mêmes portées, mêmes mesures. Chorégraphie exemplaire de l’humain à la guerre et des danses de la pluie. Cela dure, s’amplifie, monte et se fixe parfois au plafond laissant l’autre suspendu dans un espace sans voix, un semblant de victoire, qui décroche presque aussitôt et reprend et soulève les poussières pour de nouvelles blessures. Tout le monde s’en mêle et se déversent les réserves de fiel et de peurs qui depuis si longtemps croupissent en eux. Les visages changent, se modulent, chiffons ou masques durs. Les grimaces, les prête-gueules, les gargouilles maudites dévorent leurs visages. C’est une bataille sans bras, une empoignade sans poings, le combat se joue dans cette puissance torpilleuse des discours de la haine. Chaque mot atteint l’autre dans son être, y ronge la chair et puis la confiance, et mobilise à sa suite de nouvelles paroles, fourbit de nouvelles humiliations. Cela dure, comme une guerre inépuisable et qui se nourrit d’elle-même. Chacun y va. C’est essentiel de grimper sur l’autre, de monter plus haut encore et d’être au sommet, d’être en-dessus, d’être la pointe du tas, le poing culminant.

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