Journal poétique / www.jouyanna.ch

On

mardi 15 septembre 2015, par Anna Jouy

...Mais déjà,on pourrait commencer par se dévêtir, enlever cette couche laineuse, ces cotonnades. Et on le fait, on dépèce l’habit. On dépèce. Et cela s’enlève facilement et nous quitte sans douleur. On ne ressent rien du froid, rien du tremblement, rien de l’impudeur. On est nu, agréablement nu et oui, cela nous fait avancer encore. On poursuit, on progresse. On peut ainsi conquérir encore un peu. On redoute pourtant la suite car on le sent encore et à nouveau, les épaules, les jambes se débattent contre les cercles visqueux du tunnel. Il faut mettre plus d’efforts, contracter plus à nouveau nos muscles. Pousser. L’idée nous vient qu’il serait bon d’encore désenclaver la chair des limites épaisses qui l’englobent et le revêtent. Pourquoi en somme ? Peut-on alors tenter d’ouvrir son corps, de dézipper les ouates qui l’étoffent et le rendent si gras, si lourd, si malhabile ? Ne peut-on se démeubler, dessaquer cette surface, ne garder que l’utile, le précieux, le léger ?
Et on le fait.
Notre crâne aussitôt semble moins pesant, moins plein. Il y a ces souvenirs tombés irrémédiablement, dissous. On ne sait plus tant de choses. Ces travaux sur lesquels on s’était tant penché autrefois, ces études, ces efforts... Tout cela n’est plus là, qui pèse et qui empêche. On se met à rire. Même le rire est différent, frivole. Notre peau se démet encore de ses vieux plis, lisse à nouveau. On est libre de ne plus penser à rien, qu’à cet être aux cheveux raides et noirs dont le nom remplace les formules du cahier, remplace les mots du livre, remplace les couleurs du pays. On rit empli de joie maintenant. Mince, maigre humain dont seul le sexe est riche et plus lourd qu’avant. On avance. Dans le tunnel, des brasses de géant.
Comme l’amour rend efficace et fort et confiant. On rit. On va s’en sortir.


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Willy Ronis.

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