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recomposé

dimanche 11 octobre 2015, par Anna Jouy

Jardin
Nous ne sommes pas tous les invités du vent, pas tous les pisteurs du coin de la rue, celle qui tourne et disparaît, l’état suspendu du pas.
Nous ne sommes pas tous de l’échasse et du télescope, plus haut plus généreux que nature.
Nous ne sommes pas tous de l’identique famille dans la botanique des dieux, ni de la même classe des oiseaux. Il y a des espèces qui meurent et s’en disparaissent, frères de race à en crever.
L’horizon n’est pas un semis d’univers.
La faute au jardin, aux murs, à la taille naine de nos poches.
La faute à ce soleil qui lève la faim, la soif bien mieux que la lumière
A cette pierre qu’on nous a vendue pour un cœur battant
A l’apesanteur de nos papiers et du bruit que font les piécettes de la vie.
Et moi qui jardine, rien qu’un bientôt silence, couché petit, au ramassis des feuilles.

J’aurai à rendre l’hiver, une neige après l’autre. Sa cargaison de flocons, tout fondus tout éteints, l’éclat des givres perdu lui aussi dans le distrait des vies.
Ce sont des comptes vains, des recels révolus, le souvenir lépreux d’un temps où je grelottais maigre.
J’aurai à rendre aussi le début, l’éclosion, la percée. Le vert qui remonte comme un noyé des antres de la mort. Une algue prolixe, des éruptions muettes sur la peau, ces entrées en matières.
Ce sont des chiffres, des inventaires de l’éphémère surgissant, le rappel du bal des nivéoles, un collier rompu, une robe déchirée.
J’aurai à restituer l’été.
Ce n’était qu’un prêt de hâles, une affaire brûlante, une pupille noire dans un volcan. J’ai beaucoup dormi dans les traînes de l’ombre, mordue au centre du regard, éblouie et aveugle.
J’aurai les fruits, le tablier, les poches, le cellier et le vin… La richesse d’un jardin de jours, ceux du repos, ceux du nerf et du labour, les aléas de la pluie et des graines pourrissantes, et celles qui ont fait fruits, ensuite, comme on entretient le miracle.

Mais d’ici là, j’arrose. Il fait de l’or. À peine le temps de quelques prunelles, poignée d’escarbilles pour faire grésiller l’aube. Le potager garde juste la semence de l’eau, graines rares, graines de mer.
La porte n’ouvre pas grand-chose ou alors l’univers…
Et l’océan me pousse, perclus de myosotis. On prévoit une floraison de baigneuses, grappes nues heureuses. Et des crânes enrubannés de bonnets, le cortex des fleurs.
La porte n’ouvre pas grand-chose ou alors l’univers…
Et ça me va que le dahlia soit la fin du monde ; le mien est le phare de l’extrême. Quelques pas encore dans le jardin, je me dépasserais moi-même !
L’espace de mon bras, s’il te touche pourquoi aller plus loin ? C’est de là que je viens et c’est à lui que je me rends.

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