Journal poétique / www.jouyanna.ch

mémoire

jeudi 15 octobre 2015, par Anna Jouy

Tu le réveilles, il fait comme si de rien n’était, il n’a pas froid et il nous parle. Comme si la mort était passée sans le toucher. Tu le réveilles intact, et pourtant différent.

Il a revêtu cette chemise parfaite et des traits bien coupés, cousus à même ma peau, sur la bête amoureuse. Il est brûlant

Il est le père le frère l’enfant, il est le regard qu’il lançait et la main avancée, il est le dos qui va en s’éloignant. Ses préférences. Sa voix. Et lui, petit, que nous ne connaissons pas.

Mémoire, je sais tu le gardes, multiple, varié, ce que j’en savais et pareil tout ce que de lui je n’ai jamais compris

et comme tu te maquilles en le montrant, robes de chair, ou coques d’étincelles, brillantes d’insectes au soleil, ce que tu offres et changes en un instant

Tu fais de l’absence des moires et le catalogue vertueux du bonheur. pourtant, je voudrais parfois laisser mon chagrin. la perte injuste..

Tu te tiens grave et tu restes debout. Tu ne juges plus maintenant. Tu tisses et tu détricotes, tu brodes le motif et tu coupes ses fils, inlassablement, comme on veille.

Toi étamine aux mailles lâches qui laissent couler les fleuves et gardent les prunelles des beaux jours, dans l’étoffe du temps

Tu m’insupportes. une étourdie. une radoteuse de mauvaise foi, quand tu fabriques du sable avec des riens, ou des pavés dodus, des crasses, quand ton nom est Mensonge, quand je te pense fiable et que tes clichés ne sont que travestis, images botoxées et légendes en silicone

Et ces flous que tu laisses, volontairement, cette crasse diaphane, ça mange la moitié des gestes et creuse les visages - ça fait sombrer les voix qu’on ne peut pas reconstruire

Combien de cloche-pied sur tes absences, combien de sursauts pour remonter le cours de ma rivière


reprise

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