Journal poétique / www.jouyanna.ch

découpe

dimanche 8 novembre 2015, par Anna Jouy

....J’ai dû ouvrir, après avoir cherché dans ma tête toutes les échappatoires possibles et même celle qui ferait que l’homme allait simplement se lasser de sonner et me laisser. Il n’en a rien fait. Il a poursuivi et j’ai su que je n’allais pas y couper. J’ai ouvert. En essayant d’accrocher un sourire à ma face. On m’a souvent répété que ça faisait la différence. J’ai souri mais sans doute n’étais-je pas si convaincante. Il m’a regardé dans les yeux. C’est effrayant quelqu’un qui vous regarde dans les yeux.
 Peut-on se parler ?
 Non.
Non, c’est ce que je voulais dire. C’est tout ce que je voulais dire mais il ne l’entendait pas ainsi. Il fallait parler. Qu’avait-on à raconter ? Moi je n’éprouve plus ce besoin. Me parler à moi- même est déjà d’un commerce délicat. Alors, avec un autre, un homme, un voisin en plus. Il y a dans le mot voisin, tout un espace. Et c’est la seule chose que je supporte, la distance supposée, car autrement ce serait un proche. Je n’aime pas le proche non plus, cela dit. Il a quelque chose de faux lui aussi. Être proche de quoi ? De sa pensée, de sa douleur, de sa joie ? Non, juste de sa viande, de la génétique de sa viande, sa traçabilité comme on dit maintenant. Je suis filée par le proche. Lui, mon pré, mon écurie en somme, l’endroit où je fus gavée, l’oie de famille. Je voulais dire non à ce type qui venait me déranger pour que nous « parlions ». J’ai tout de suite senti que ce serait plutôt, j’ai deux mots à vous dire.
 Oui, c’est à quel sujet ?
 Vous ne devinez pas ?
La neige s’est remise à tomber juste à ce moment-là, une neige très belle, avec d’énormes flocons. On aurait dit de ces couches de mouchoir quand on les sépare, un tissage fluide de matière. Cela m’a mise en alerte, je pense. Mon esprit anticipe...


en coupe carotte dans le travail en cours..

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