journal de l’aube 509
mercredi 30 décembre 2015, par
Le mot, comme le nombre, pareil minerai, une pierre à creuser. On pourrait dire qu’il y a des mots entiers comme des nombres, inviolables et qui sait…
Dedans dorment des choses secrètes, qui n’ont encore aucune forme, ni ombre, ni contour. Presque de l’eau, de la glaise ou plus proprement un air jamais respiré- en existe-t-il ailleurs, de l’air qui n’a jamais connu d’humain ?-
Chaque mot recèle et certains pires encore, qui sont dans des coffres forts, des oublis sans usure, jamais tirés au sort du dire, des filons gigantesques, abstraits de nos bouches. Mondes perdus.
J’aime m’installer devant le mot. Avec des outils, savoir que je ne parviendrai pas dedans sans en faire du sable, le sable vaniteux brisé pourtant, moulue poussière.
Le mystère se dégage, -lois, règles, formules- du jeu de leur combinaison, dans le reflet métissé de leurs gemmes. Ils se parlent, ces cailloux ! Par devers la science, par devers la parole même, dans l’a parte certitude de leurs codes très secrets. Et à les observer se répondre, se mêler, s’entrebaiser, à les écouter, je sortirai mon écope à fumées, écrémerai leurs dialogues et prendrai note sur le cahier de leur surprenant discours.
Messages
1. journal de l’aube 509, 30 décembre 2015, 06:38, par Isabelle PB
Comme ce rapport au langage-matériau est beau et puissant !
2. journal de l’aube 509, 30 décembre 2015, 09:19, par phil
Il me semble (sans savoir si c’est juste) que vous parlez d’amour comme d’une attraction positive des mots, plus que comme un précipité de nos chutes. Très beau texte pour ce que j’en vois.
3. journal de l’aube 509, 30 décembre 2015, 21:36, par Anna2B
J’aime beaucoup ce texte où les mots matière sont à creuser ; on imagine l’artisan en quête de mettre à nu délicatement, patiemment comme un archéologue la mystérieuse alchimie de son essence singulière.
Texte reçu comme un message d’humilité et d’amour.
L’écrivain qui ne serait pas créateur mais un transcripteur, un scribe peut- être...
4. journal de l’aube 509, 31 décembre 2015, 05:52, par Anna Jouy
merci à tous de vos commentaires. suis impuissante à vous répondre mais sachez que le texte vous appartient..