Faut-il souhaiter à un poète qu’il aille mieux ? Qu’il trouve la paix, qu’il soit en joie ou en bonheur ? Est-ce que c’est là, la souffrance du poète, un mal de dos, de ventre, un mal de crâne ? Est-ce que c’est une affliction, la maladie d’un humain, dont le dire serait l’atteinte ? Une enflure de la langue, le mal a dit. Est-ce là, la souffrance d’un poète, un état psychique défectueux, un œdème de personne comme on dit un accident, un patient pour lequel on compatit, dont on suit les courbes de températures, les chutes, les fluxions et les attaques de douleur, avec étonnement et cette fascination pour le crime ? Est-ce ça un poète, un étranger au pays des vivants, un forcené dont il faut à tout prix espérer une normalité retrouvée ? Il faut qu’il aille mieux, qu’on puisse faire quelque chose, qu’il trouve sa place parmi les autres, les gens, les bien portants ? On le souhaite.
Même lucide, lumineux, il souffre. Même ébloui, rieur, amoureux, il souffre. Il est pathétique, dramatiquement vibrant. Il fait mal quoi, qu’il soit si atteint... On espère une rémission, une guérison. Le poète ira mieux, on l’espère parce qu’on aimerait sans doute qu’il se taise ?
Mais ce n’est ni dans le corps, ni dans ses hormones. Ce n’est ni dans ses humeurs de dopamine, ni sous l’os, à fleur de nerfs que se tient son insuffisance. Il est loin, très loin d’être ce genre dysfonctionnel, ce syndrome.
La douleur se tient ailleurs, hors de lui. La douleur et la joie aussi, les deux. Il ne génère rien, il ne produit pas, il n’est pas souffrant ou heureux. Il est juste un marqueur, une feuille trempée dans l’urine du vent. Bleu, rouge, violacé, une mesure de PH sur le fiel du vivant. Un dément qui passe son temps à dé-mentir.
Merci je vais bien, juste ce mal de crâne continu. Merci ma dépression est sous contrôle. Alles in Ordnung. Ecrire n’est pas une pathologie.
Le poète quant à lui va toujours et c’est bien ainsi.