Journal poétique / www.jouyanna.ch

Dimanche soir. Je lave le poisson mort.

dimanche 10 janvier 2016, par Anna Jouy

Dimanche soir. Je lave le poisson mort, sous l’eau du robinet. Je m’étonne de ne rien voir jaillir de ces retrouvailles essentielles ; rien n’allume les écailles. Alors mes doigts sont de verre, comme les dagues gelées du toit. Personne à l‘œil vitreux. Mon ombre tombe de la croisée, glissade de pluie et de neige. Il se tait.
Les mots me mangent. Ils savourent mes lèvres, le palais acide d’eau à la bouche. Ils digèrent mon front, un trou spécial pour aérer le galetas de mémoire. Ils avalent, déglutissent les cordes à lessive du nerf. Je suis en perpétuelle modification, matière instable. Je ne souffre pas. Cela me dévore hors de moi, une colère lente, lascive qui absorbe la mort, le quotidien de fumures des hommes. Je n’édifie rien. Je démantèle. Ils broient la chair par portions de dires. Les mots m’ingèrent. Ils ont le temps. Un jour ils auront fini ; ils m’expulseront sans doute, un amen bien senti. A moins qu’ils soient tombés sur un os, un imputrescible morceau de bravoure, trois mots de trop sur l’arête de l’amour.


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