Journal poétique / www.jouyanna.ch

équilibre

lundi 7 mars 2016, par Anna Jouy

La hauteur est imprécise. Aucune mesure entre le bas, le haut, le centre. Tu peux parfois voir s’éloigner encore le sol ou s’éloigner encore le ciel. La prison respire. Elle a des amplitudes, des maxima et des minima. Il y a des jours où les mains s’accrochent aux lèvres du trou et puis soudain le sol s’effondre et il faut songer alors à redescendre. Tu ne sais pas si tu es l’objet de l’illusion ou si tu es l’illusion elle-même. Est-ce toi qui te hisses ? Est-ce toi qui te ratatines ou alors l’espace qui est instable tant que tu te sens sur un océan de terre, le sujet navire de la vie qui halète et te chahute. Tu es dans la seringue d’air ou d’obscurité ou de lumière. La pression te gicle et t’insuffle « l’existement », l’exister-médicament. Tu piques, tu repiques tu tiens la route, dopé de choses sans nom, variables : un oiseau, un pas et même le parfum sucré de ta mère. Il n’y a que des échelons branlants. Ils manquent parfois et puis ces autres, solides, qui font de toi un acrobate volant, un de ces pendulaires vivants, gymnastes qui passent sous le chapiteau.
 
Les gens n’ont pas d’importance, ce sont des intouchables. Tu n’as rien affaire avec eux, ils ne te cherchent pas. C’est une race dont tu ne sais pas que c’est la tienne. Tu te crois autre, tu es autre sans doute. Du moins c’est ce que ton corps flaire, devine, pressent. L’autre vit quelque chose d’autre, alors tu ne sais pas. Où es-tu ? Tu promènes partout ta citerne, un emballement. Et leurs mots tombent en toi comme des pièces dans des oubliettes. Ils t’appellent, ils te causent. Tu regardes leurs paroles, ce sont des cailloux ou alors de ces papiers consumés qui avec une lenteur de flocon descendent jusqu’au fond de terre. Les choses vraies, tu crois qu’elles sont là en-bas, dans ta geôle de peau et de viande. Ce sont ces trucs que rien ni personne n’interroge ou inquiète, tes choses vraies alors incontestées, tandis que ce qu’ils disent, ce qu’ils disent, est aliénation et barbarie.
 
Les choses se compliquent, s’imbriquent, s’arriment entre elles, organisant une treille de mouvements, de tuteurs d’équilibre. Tu cherches toujours les bras tendus très loin devant, autour, espérant une route sans obstacles et souhaitant que ton centre de gravité demeure au point de croix cousu sur la boussole de ta poitrine.


extrait de plus
cirque du soleil

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Messages

  • Franchement l’écriture sans filet il n’y a que ça de vrai, c’est vivant. Tu tombes, tu te casses les reins, c’est terminé : mais tu as vécue. C’est déjà pas si mal de savoir attraper la barre du trapèze les yeux fermés et la tête on ne sait où.

  • Texte de l’intérieur, fortement visuel. Sombre boyau où l’être s’agrippe...

  • Des êtres partout avec leurs visages déformés du dedans collés à la vitre de la solitude en partage. Le plus gracieux des sourires passé à la radiographie devient un rictus macabre ... Peut-être, je ne sais pas, que pour ne pas se perdre et ne pas perdre les autres avec soi il vaut mieux rester à la surface de la toile sur la peau là où sont les pigments et les représentations et agir là avec ça ? Faire comme si nous avions des choix possibles.

  • "Tu ne sais pas si tu es l’objet de l’illusion ou si tu es l’illusion elle-même. "
    (incroyable comme en peu de mots tu réussis à synthétiser cette chose incroyable)

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