l’autre fois
dimanche 24 avril 2016, par
...Et puis y renoncer peut-être aussi parce qu’elle est elle-même la mort, qu’elle l’est entièrement, la mort fraternelle, qui partout la suit et l’accompagne. La mort qui dort en elle, se lève en elle, la mort qui lui tenaille la cervelle. Et lui construire cette chambre intérieure. Pour l’apprivoiser, elle, cadavre aux joues roses, aux seins trop beaux, au visage tout cousu de blessures. Tenter durement d’aimer ce qu’elle aime, cette mort, de penser ce qu’elle pense songe et vit, cette mort. Construire une place fortifiée où la nourrir de musique, de mots, de rêves surtout. La nourrir de morceaux d’elle-même, de sa chair, de sa viande, de tout ce que ce corps engraisse. Nourrir la fauve panthère en elle, qui attend patiemment que quelque vague train l’écrase et la lui livre bouillie et tartare, dans une journée qui finirait enfin. Elle se couche dans la mort nue, enfile sa vêture le jour. Elle lui écrit et la mort bonne, qui sait bien ce qui manque, qui sait ce qui fait tant besoin, lui répond. Les mots brillent et allument la nuit. La mort éclate et parfois, comme venant de très loin, la fille l’entend qui rit et applaudit...
Messages
1. l’autre fois, 24 avril 2016, 08:39, par brigetoun
la mort bonne, l’amie
la savoir là
qu’elle la laisse attendre
2. l’autre fois, 24 avril 2016, 08:41, par Éric Schulthess
lui tirer la langue aussi, à la mort
3. cette fragilité et l’autre fois, 24 avril 2016, 09:53, par Claudine Mangen-Sales
beaux textes
Encore !
4. l’autre fois, 24 avril 2016, 11:42, par Phil
" Si tu es, elle n’est pas ; si elle est, tu n’es pas."
5. l’autre fois, 24 avril 2016, 17:24, par Anna2B.
Apprivoiser la mort... Et quand elle s’est ancrée en nous et qu’on nous l’arrache avec des tenailles, on la sent tout près, vigilante et menaçante, en attente ; il faut dormir le plus profondément, s’enfouir dans une autre mort, artificielle. On se relève un jour, elle a laissé des traces dévorantes, mais elle s’est déplacée, on la voit, ravageuse invisible et tapie dans l’être qui nous est chair ; on sait, on la voit ronger son corps et son esprit. On fait semblant, on tient une main, on donne des baisers... Comme si on allait l’absorber...
Et quand on ne peut plus rien, il semble que devant un corps en paix, notre flamme de vie est invincible.
6. l’autre fois, 24 avril 2016, 20:08, par aunryz
(oui, beau texte)
tu nous emportes (?) vers une voie qui nous réconcilierait avec elle
si effectivement elle est la condition même de la vie ?
Le bois ne vivrait que lorsqu’il brûlerait
et cette brûlure est donc à la fois sa vie et sa mort ...
à petit ou grand feu, cela dépend alors de nous ... et du hasard.
Dès lors
comment lui en vouloir ?