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Mécanique web poème.Moi aussi, écrire des...

mardi 26 avril 2016, par Anna Jouy

Mécanique web poème.

Moi aussi, écrire des histoires de reconstruction humaine. Frankenstein, pantin recousu des rouages des autres. Je sortirais les clefs, les vis. Je boulonnerais les viscères essentiels, ponterais les cœurs. Greffes de boyaux sur des os d’acier, clampage de bras et de pas sur la route. N’est-ce pas cette nature parfois folle de la science qui cherche à déconstruire la vie pour la remonter ensuite contre le temps qui passe ? Est-ce aussi cela écrire ?N’en sommes pas tous là, avec la boîte à outils, à espérer faire de nous des vivants par- delà la mort, fruits d’une science, d’une physique appliquée où l’on se confronte à son immortalité en se briquant puis s’imbriquant de mille morceaux.

A nous le Mécano antique : 26 lettres de l’alphabet et quelques signes, écrous, boulons, clous et agrafes. On fait des soudures qui n’ont rien d’étanche. On écrit avec beaucoup d’espacements, de vides sous l’encre, des planètes, des nébuleuses. Usage précis, soumis à des lois qu’on tente de soudoyer parfois en jetant notre jouet par terre. Mais la grammaire et les lois physiques restent indémontables. Frankenstein de chair, Frankenstein de mots. Les deux irréalisables.

Je m’applique à construire cette espèce fantôme, à lui donner apparence. - la mienne sans doute, on est tous son petit dieu, à mon image devra-t-elle être -. Mais est-ce vraiment ce monstre que je cherche à faire ? Ou alors est-ce la vie et son déroulement inéluctable que je veux maîtriser ? N’est-ce pas le temps, le vrai sujet de la science, le vrai sujet de la littérature. Le vaincre, le comprendre. Temps aux dimensions élastiques, souples, fugaces dont les structures échappent encore et toujours au contrôle et à la mécanique si bien rodée du progrès.
Le monde l’aborde avec des outils, pour le réduire, le prolonger ou le supprimer mais il demeure inaccessible toujours et à nos corps et à nos sociétés. On pense le saisir, le contrôler par des moyens matériels, téléphones, ordinateurs, TGV navettes spatiales et autres joujoux , tous s’attaquant à son masque qui est l’espace. Mais le temps est d’un autre monde, d’une dimension mathématique certes mais sans calculs peut-être.Toute l’histoire étire le temps sur une horizontale prodigieuse allant peut-être vers l’infini.
Neandertal déjà semblait s’en préoccuper. Pour le dominer, il a imaginé ses premiers outils, pierre taillée, feu. Il a lutté pour sa survie avec de la matière, mais aussi en faisant émerger le sacré, premier apaisement contre la mort qui est la fin d’un temps.

Qu’avons- nous fait depuis, si ce n’est de développer nous aussi nos outils en inventions énormes. Le temps nous résiste toujours. Cette autre part de nous, surgie dans le crâne de nos ancêtres, le sacré, l’art, l’avons-nous développée parallèlement pour percer le mystère du temps ? Si plus rien ne semble neuf et surgir dans l’art, si nous observons toujours de semblables choses sous des formes différentes, n’est-ce pas que cette part spécifique à l’homme n’a toujours pas été investiguée et demeure dans le même état de latence et que cela ne permet aucune avancée dans nos connaissances sur le temps ?

Peut-être est-ce là que se tient la suite de la fabuleuse aventure humaine ? Proust a déroulé le temps comme un long papyrus, observateur méticuleux mais déjà certain de ne jamais trouver aucune réponse à sa requête. Se savait-il sur le faux terrain du temps ? il n’ignorait pas que celui-ci se se dresse avec la parole du poète qui avec ses outils ses boulons de voyelles et de consonnes, désactive le linéaire et gonfle le vertical. L’ordinateur classe mes écrits par tranche de temps. Il empile mes mots heure après heure jour après jour. Il les rend soudain verticaux, comme si mon temps grimpait ainsi en colonnades. Une écriture neuve moins par l’outil blog par lequel elle se fait lire que par la perception du temps qui en découle et qui percute l’intelligence.


reprise

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Messages

  • A se demander si les dés ne sont pas pipés dès le départ dans la mesure ou il n’existe pas ? un idéal parfaitement réalisé, un accomplissement parfait ce qui revient à dire qu’un idéal qui s’inscrirait dans l’espace et le temps serait la négation de tout idéalisme. Chercher à fixer l’infini dans des formes finies n’a que pour conséquence qu’il nous échappe perpétuellement. Le temps importe t-il pour celle ou celui qui se construit dans l’esprit, ne risque t-on pas de confondre les fins et les moyens ? A quoi sert de vivre 500 ans si nous ne touchons pas au moins une fois dans notre vie, le sentiment d’éternité... comme un accomplissement peut-être. Je ne sais pas, je ne sais rien.

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