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pour chasser une ombre...

mardi 3 mai 2016, par Anna Jouy

Pour chasser une ombre
Il faut veiller à la lèvre, guet de gibier à surprendre au collet
Être penché, ne pas lésiner sur le temps de l’approche
Tenter même se confondre
Préparer son traquenard de phalanges, tendu au merle de la gorge, espèce d’un gris délicat avec des ailes rapides et gazouillis fusant. Très leste, l’ombre peut filer et alors c’est raté ! on serre pour des lunes.
Chercher peut-être des captures plus sportives, des ombres à la mouche, des ombres de rivières. A la frange d’un saule, peigner le seau de feuilles, faire miroiter ses pacotilles. Mais ce sera long et peu prospère ; ce ne sont que des yeux par centaines qui mouillent à la lumière.
Épier encore un pré, très loin, horizon géant tout tracé, l’y voir paître dans un troupeau d’orages. Choisir une ombre faible, femelle sans petit ou travesti vieillissant remis à l’isoloir. De la main, soulever un épi, tirer sa gâchette de charbon. Là-bas le soleil tremble comme une onde jaune à découvert.
L’ombre décampe. Et vous êtes bons pour y passer la nuit.

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Messages

  • De quoi s’y essayer (merci)
    tout en se gardant de les exterminer
    où s’appuierait la lumière ?

  • J’aime beaucoup ce jeu poétique sur l’expression. Je regarde le jardin, les ombres sont belles, jolies découpes des buissons, dentelles dans la lumière, branchages fins qui lézardent le sol. Tiens, aucune ombre du côté du muguet qui se dresse, impertinent, sans fleurs. J’aurais bien dérobé quelques clochettes, histoire de me distiller quelques gouttes de bonheur.

  • En mai parfum ancré et doux dans l’ombre passante d’un costume de lilas.
    A son revers, trois papillons blancs médaillés en boutonnière s’ennivrent de lumiére et de sucs ; ils tournent sans fin cherchant leur agrafe.

  • Tu tires vers toi les lignes du jour,
    tout le temps nettes , et elles dansent
    singeant la forme des êtres , leur contour
    mais qui n’ont pas de consistance ,
    et sur lesquelles on n’a pas de prise .

    Tu voudrais bien en capturer une, la prendre par surprise
    l’immobiliser, la surprendre au passage,
    mais elle est toujours plus leste,
    et s’effarouche au moindre geste ...
    peut-être en es-tu simplement l’otage ?.

    Une des méthodes pour les voir disparaître ,
    est d’attendre l’arrivée du soir,
    jusqu’à ne plus rien voir :
    la nuit recouvre tout de son voile noir,
    endeuillant tout sans rien omettre .

    Les ombres auraient-elles disparu pour autant ?
    Ou bien au contraire débordent-elles ,
    pour tout occuper, en s’étendant ,
    profitant de l’éclipse du jour : une brèche
    avant son retour : le parapluie

    de l’étendue de la nuit ,
    à la façon d’une chauve-souris : ses ailes
    sont-elles l’ombre , elle-même ?
    Ainsi jouant de l’extinction du soleil, le stratagème,
    identique à celui d’encre noire de sèche .

     

    RC - mai 2017

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