Journal poétique / www.jouyanna.ch

extraction

lundi 13 juin 2016, par Anna Jouy

....Ils vont aller là-bas, où l’homme a vécu. Ils vont partir. Alors elle insiste, aller avec, il le faut. Elle veut voir, comprendre. Insupportablement démunie. Les gens sont devenus si étranges. Pourquoi ?
La tante est là, elle pleure mais elle crie aussi. Elle est agitée et cherche sans cesse des choses qu’elle dit des explications. Ses mains qui bougent, ses pas dans tous les sens. Et l’autre, le mort qui dort juste à côté. Alors c’est comme ça un mort ? Ça a la tête de quelqu’un, la tête de quelqu’un qu’on connait, presque pareille. Presque. Il dort mais il ne dort pas comme tout le monde. Il ressemble à un coffre vide, un coffre vidé. Une caisse en forme d’humain. Elle le pense après qu’elle a posé sa main sur la main de l’oncle, que c’était dur et froid. Que ce n’était plus une main mais juste un gant de bois et qu’il n’a pas bronché un seul instant, qu’il est resté sans le moindre petit cillement de peau et de cils et que malgré le murmure incessant des gens tout autour, il est demeuré identique à lui-même, sculpté.
Alors elle a pensé que c’était ça la mort. Perdre ce qu’il y a dedans et ne laisser ici qu’une boîte qu’on dépose dans une autre boîte… Et la peur est venue de se savoir enfermée elle aussi dans un étui, dans une armoire. Dans un tube encore mou mais qui allait un jour durcir et devenir ligneux et raide, comme celui de l’oncle, tireur d’élite de tout ce qui vole léger et souple dans l’enfance...

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