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bloc 5 la volière des silences

© tous droits réservés lecture sur une semaine recueil complet

mardi 20 septembre 2016, par Anna Jouy

L’animalerie des silences tient ma voix à la longe. Couple de chair et de ciel. Ce projet sur l’horizon d’une liberté qui pousse dans un trou de serrure. Semis de blancheurs dans lesquelles chut !... Le temps.

2.

Référencer les silences. Catégorie tant pis, catégorie tant mieux. Et puis cette berne centrale qui cille dans la main, l’inventaire des branches et du pouls, chiromancie et murmure qui processionnent parmi les veines.

3

Mites et revenants. Cette saison de toi est une aubaine d’oiseaux. J’ouvre l’armoire. Les trous d’air s’envolent, gitans des poussières et des sautes d’humeur. Tu débourres l’amour dans un haras de bonnes paroles. Tu dresses le dit dans les huniers de migration.

4

Arithmétique des oiseaux sur le boulier des lunaisons, un escompte de plumes. L’été. Un lot de pailles coudées dans un apéro de fenêtres.et ses glaçons qui sautent au soleil. L’âme sirote sa lumière, boulevard des clepsydres. Silence, je ne conte gouttes. Le sous-bois est ouvert. Mosaïque des églises, il n’y a plus d’ombres. Que des chats de passage et leurs oiseaux joueurs. Et cette sorte de vent qui ramène les échos et entasse sur le chemin le regain du soleil.

5

Je ne sais ce qui me travaille. Des boutures de poumons vont fleurir. Votre art de gober l’air, ces mots de ma langue dans votre langue, de votre jus dans mes joues, ce presque du cristal sur lequel danse le bout d’un doigt mouillé, à l’embouchure du souffle qui défaille. Toutes les femmes du monde montent sur les épaules du cri, courte échelle de sexe dans les zeppelins d’azur. Se rendre à son nuage-le sien plus transparent- en corps. A son point d’eau la pente douce

6

Impact sur un fond d’univers. Un lanceur d’effigies érige la pluie. Imprécations diluviennes. Je me grise, les mots dansent des rondelles d’aube, du cargo de buées. J’en tisse mon tamis. Mettre son attache au cou, sortir compter l’arbre sur les doigts. En faire une balancelle, une esquisse de parc pendu, l’envers d’un autre ciel. Secouer le noir du faucon, essorer le reste et remettre le solde au vent. 

7

Offre-moi ta peau, le dos sur lequel je marche et tout le reste qui fait frappe. Tu pousses en moi comme un très vieux chagrin, celui que l’on reçoit quand on commence à vivre. Gène de mélancolie scellé entre chaque embuscade. Tends-moi ta peau, je dois écrire ; une écriture sale sous les ongles.

8

Des îles taupes surgissent avec en leur milieu un œil de cendre. Ainsi les rêves sont de tulle, les seins de floraison et l’eau de liqueurs à venir. Je dois avoir des airs qui marchent. Une fanfare roule mes cigares, la fumée bleue penche et tangue balançoire silencieuse-un pied dans l’arbre une main dans la tombe,-bel encensoir. Des traînes blanches talochent le ciel ; le vaporeux poursuit son grain de soleil étendage à l’assaut des frontières. Quelques molécules pour l’aumône des dieux. Alors connaître la pensée du monde, tous nos projets d’adhésion scellés désormais à un peu de pluie.
 

9

Le sel que tu jettes sur l’épaule rend du cristal pour monnaie, avec une onde dedans. Le dos a craque et fendille la coque du matin et on se sent pelé vers sa blancheur d’âme, devenir fruit d’amande ou de cajou, un étirement d’os qui avance de son mieux. J’aurais aimé t’aimer comme le vin, geôlier des secrets, ivre de l’éclat que tu fais quand ça tourne de l’œil. Tes mots dans les ruches d’apothicaire, ordonnances roulées comme des cheveux au doigt, potions de vie entre deux marges de deuil. La nuit tombe, le vent secoue les bouches et plus haut le dard des églises l’espalier du désir.

10

Le jardin est un gravier d’épices où mes pas trafiquent les odeurs. J’ai tranché dans les pierres un cahier qui vole des lignes de vie au cours calligraphe, ai empli chaque caillou d’explosions pour des trous dans la mer minerais. Chaque grain de montagne épelle la hauteur. La lune meurt et puis grossit, aucun arbre n’a encore mangé sa cavale. Je connais la forêt, elle ne vendra personne, fidèle au silence qui course le ciel. Rien ne rompt ses lances. Mille agacements au jardin de paupières, le bruit, la scie qui roule, l’acide jaune de toutes les jonquilles, le bris de sable d’un marchand d’hiver. Mille lampadaires triés sur le volet, insolentes chiures du vol et des inconséquences, le zézaiement de lumière d’une mouche effarée, la secousse électrique d’un rêve de silex. Mais calibrer les muscades, sur l’étal du hasard un bateleur fausse toujours ses énigmes. Les feux follets seront bien dressés
 

11

Mon âme jaune quand tu dors est un cœur d’oiseau, la coquille d’œuf de la lune chavire la mer et tout ce qui la traverse. Logarithmes de l’angoisse, vaisseaux à bout de bras, une présure de lait trempe le jour entre étoupe et flocons- Ces caillots de ciel qu’on respire pleines narines… Le chagrin fait perdre tout.

12

Petit bouturage des misères, un bras dans la terre, les doigts racines. Tout devient arbre et ramure et la porte des oiseaux comme un œil sur le front, une voix à l’absolu chant du buisson dispensaire des vapeurs de cime ou jardin en vie. L’existence traîne derrière elle son pot et son voyage. Les carreaux du jardin étiquettent le futur Lierre, tabac, mélisse odorante. Manne des mains qui travaillent. Fresque vide qu’on ne saurait remplir ni de craie ni de farine. Seule la limaille de l’usure des paumes jusqu’aux copeaux.

13

Quand je me serai couchée, quand il me sera facile d’être l’infinie absence, le manque de chaque hiver, le bateau d’une épaule. Quand je me serai perdue dans le crible des mémoires, que tu ne prononceras plus mon nom ni même parfois lâché comme une abeille sur tes cordes vocales. Quand je ne viendrai plus dans ton fleuve, celui que tu ne montres que vêtu de pirogue, voie lactée. Tout ce temps, ce futur las qui incruste l’instant. Chaque pas tresse le motif des matins. Vagues pensées au centre d’un café, tournées, retournées jusqu’à l’absolution et puis d’un canif d’oubli ouvrir le nouveau cahier d’un jour sans histoire.

14

Tant de torsions pour lire tes semelles. Je bascule sous les arbres pour marcher sur le ciel. Dormir tête bêche avec ton nuage, ce trait de bleu qui part de ton œil et peint le sol de mes jardins d’iris. Et le sang qui m’entête fait marteau repiqueur. Tu poses comme un amour en cage, dans un coude d’oiseau, repli de plumes. Tu poses dur souvenir en modèle vertu, de chaque geste. Tu poses comme la glaise que je serai, informe tas de toi et tes mains qui m’oublient masse sur le tour des jours.

15

Cet orgue de barbarie entre tes échasses, sa ronde raye ma vue comme une jupe de fille. Le métrage de deuil entre le ciel et l’eau fait une traîne parfaite sur laquelle dérapent les âmes à la glisse. Me perdre est une route, me perdre la main contre le mur. Qu’il y ait sur le son de la poudre et des sciures, l’arbre chante pendu à mes veines sur le chanvre du ciel et j’écoute yeux dedans ma voix, petite fissure parmi ses engelures au refrain. Arbre qui chante fait moisson d’oiseaux, ma tristesse est perchoir.

16

On annonce des fins de glace, des banquises mortes. Le cœur bateau devrait éventrer tantôt son catafalque, les eaux verdir sa guenille de feuille. - Fera-t-elle illusion sous les jonquilles neuves, cette vieille dorure d’outre-saison ? Toutes les coques vides ne servent plus à bercer que des enfants froids. Le monde tourne et parfois le souffle fond et perd. Nulle part de soi qui s’envole et bat de l’aile nue, tranche de n’importe où à mettre entre ses dents. Nulle part du rendez-vous sur tes lignes blanches, tranche sectionnée entre néant et monde, ce point zéro du baiser sur des adieux de guêpe. Et la question du rien, miettes de hasard sur les nomenclatures. Nulle part et distrait le ciel à la fenêtre, je referme les plis de mon lampion de jour.

17

Poudre, mouture de formes pour l’informe fluide sang de ta race et sang de pierre. Adhésion cloquée sur la peau des choses tout et rien. Poudre en volée, l’âme couvée d’explosifs révèle ses bosses cette poussière. Sera-t-elle seule à lui donner contours ? J’entends que la plaine s’étire et part, qu’elle glisse entre fosse parmi les fosses, l’insinu d’un frisson qui charge l’étoupe et absorbe l’ailleurs.

18

Élastique mon petit pouls saute parmi les anges, d’abysses malins en poissons que personne ne suce, oscillant sur des larsens et des décibels aveugles. Le sens-tu qui se la pète entre des valves d’étangs, clandestin des marées lunatiques, fronde des rythmes inutiles essaimant le bal et mes désordres de naufrage. Pouls malingre, battant petit, sans valse ni passion, une rame après l’autre, à la pioche de l’eau, glissant vaniteux dans les frusques d’un autre.

19

L’agrafe et le cil reprisent mes pensées et mes paroles, mauvais côté contre mauvais côté. Que j’y vois loin à son poste de nuit. Le silence regarde sous mes jupes, fissure de ciel et de mes jambes et c’est la pluie.

20

 
Tous ces sons barbares ces mots mâchouillés de gomme ces râles ces onomatopées de la tristesse, ces cris de l’enfance, ce bruitage, ces non-sens alignés et qui remontent, ces mots léchés sucés, ces bonbons qui roulent et sautent entre tes dents, que je mords et croque bouche ouverte, te suivant hypnotique. Toutes ces paroles pour écharper la distance, le loin, la fosse et ses vipères. Ce roulement de tambour du rien qui fait sa guerre, la feuille d’avis, la lettre ouverte, l’édit, l’écrit, tous ces iules sombres qui gigotent entre les lèvres, agitent des drapeaux, hurlulent peut-être. Toutes ces bavures, ces polices d’écriture, ces justifications, ces alinéas, ces majuscules qui bombent, ces suspensions, ce retrait, ce distrait, ces manquements, ces lapsus, ces envois pour une autre, ces reçus de la poste qui reste. Tout ce néant qui use, efface, rabote l’âme pour des saupoudrages sans épices. Tout cela, ceci, ce tu.

21

J’habite l’ensemble vide des orbes de pendules, le tic et le tac du temps en continu, spirale des étreintes encordant le silence. L’ombre qui passe est trotteuse de couloir, tout au bout mes traces, volatiles posés comme des ailes sur le visage. L’œil est désert et ma ronde un hiver où je cherche et je chute.

22

Comment se portent tes griffures, toutes celles qui me manquent, pour être et pour écrire, bleusaille rebroussée comme chat sous le vent. Je suis nue, le nid d’où tu les as tirées lune à lune, fusains du soir et des fragilités pour des oiseaux mikado d’exil. C’est un chemin d’oiseau qui marche sur les toits, le décompte des tuiles sur la plaie du jour. Le ciel n’atteint qu’un rebord de fenêtre. A l’appel de l’air, je lève mon âme en drapeau, le naufrage de coton de toutes ces éponges. Et mes lèvres au bord du songe, l’aube sera rose et ta nuit fera feu.

23

Le silence tire à blanc. Tendre la main est une audace qui engage le dos et ces secousses allument des bombes dans une nuit de décharge. Est-ce l’encre qui écrit ou la feuille qui déchire sa plainte ? Le séisme livre le cœur. J’écoute les coulures le front posé dessus. Je n’y étais pas, ni passage ni pas, sans passereau sans passerelle. J’ai invité la nuit à raccourcir la Terre, à lever mes paupières aux moments passagers, à étendre les appâts, allonger les compas. Je n’y étais pas. Pas particules privatives et puis adjonctions de chemin...

24

L’encre chenille, elle détient un secret. Je la vois à ses formules et son incantation encensant de noir un futur cocon, entêtée promeneuse de sourcier. Elle dévide ses barbelés de mystère, la danse tracée, minuscule intense, d’un chorégraphe dresseur de pattes ou de fil. Une mouche grésille, bouche à murmure qui brûle. Même la poussière de l’aile se consume, mancie de poudre sur la gueule du soleil. Tu parles l’intime avec des bruits opaques. Mon œil écoute. Tu parles l’infime et ce vacarme me contamine.

25

Tu cours comme un baiser quand je sens que tu pars, main qui tombe et l’épaule à son deuil. Tu cours comme un baiser rattrapant ta lumière et ma nuit chasseur de lèvres et du goût de la langue. Tu cours comme le dernier, avec ce souffle de bougie frisson frivole sans but, à peine le pied emprunté du temps. Je suis le manège, mon mouvement jouit de tout ce que tu trembles. Je ne regarde plus car mieux tu me manques, ma danse dans ton dos.

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