mon père aussi était silencieux
dimanche 6 novembre 2016, par
mon père aussi était silencieux, d’une langue de nuages, grise, enflée de lèpres bleues. j’épelais son dire, comme s’il me fallait atteindre un son inouï. mais derrière la foison du ciel et des gauloises, c’était le même silence du monde, avare et sans raison. j’étais comme une enfant à qui l’on a promis la lune, payée en roupies de sansonnet pour la bravoure de sa patience. il était silencieux et dans ses derniers souffles encore j’espérais qu’il m’ouvrirait au secret d’un cygne et que derrière l’épaisseur des brouillards, l’univers existait.
je lève toujours la tête, je fouille parmi les encres. je brasse tout au hasard ou je trie la tempête. je cherche parce que l’enfant ne peut quitter ma bouche, parce que son espoir ne peut se taire et qu’il est en moi chaque jour plus féroce. d’autant plus que je vois grossir lentement l’ancienne réticence, tissu qu’il a filé et que je file aussi, énorme drap flottant sur la mer du dessus. comme un mutisme de famille et d’éponges, gavé de mille mots qui attendraient la pluie, la lourde pluie, pour dissoudre les mystères.
White Silence | Pavel Tereshkovets | Fine art & documentary ...
Pavel Tereshkovets
Messages
1. mon père aussi était silencieux, 6 novembre 2016, 19:45, par claudine Mangen-Sales
on doit être de la même famille ;)
2. mon père aussi était silencieux, 6 novembre 2016, 20:55, par aunryz
[ Idem ]
un texte qui remue les chairs en dedans
(d’autant que je crois que c’est en les fouillant que
je rencontrerai le père qui parlera enfin ...)
3. mon père aussi était silencieux, 12 novembre 2016, 08:59, par lanlanhue
questions aux père(s) et à leurs silences, c’est ce que m’évoque votre texte. La pluie pour dissoudre les mystères, j’en aime bien l’image. Comme un pas-de-côté que permettent les mots poésie.