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vendredi 25 novembre 2016, par Anna Jouy

Nous nous sommes connus. Il faut bien que quelque chose débute. Le temps lui-même connait cette leçon, quitte ensuite à la reprendre. C’était la première vie, j’étais à la base des plantes, une mousse verte et puis jaune un peu au-dessus, une toison de fleurs très douces et discrètes. J’étais couchée et dans la forêt partout j’étendais ainsi ma laine de verdure, comme un velours. Je voulais moi aussi ramper car j’aimais l’eau mais la rivière s’enfuyait m’abandonnant toujours et m’échappant. Je voulais tellement être comme elle, léchant les terres, effleurant les sols. J’aurais pu être roseau et me tenir alors au cortège mais ce n’était qu’une garde futile. L’eau ne cessait de fuir les rivages. Elle s’éloignait allumant sur mes brisures des plaintes terribles que venait avec peine essuyer le vent. La mousse des forêts est une eau couvrante. Partout elle semble aller et laper les souches. Rien ne l’arrête et puis elle est douce. C’est ce que je devins, semblable à l’eau, je voulais qu’on me dise lichen comme son lit, comme son chant. Et je devins donc l’écume des bois.
Longtemps je fus seule. Ce n’était pour moi ni dur ni courageux. Je couvrais des terres entières, j’étais le moelleux et ça me suffisait, comme on peut être certain de faire ce qu’on doit sans que jamais on ne doute de son utilité. Les racines des sapins me serraient contre elles, les fougères s’élevaient pour me protéger de leur ombre, je connaissais les parfums des muguets et des véroniques, parfois des ronces murissaient sur mes terres et leurs baies noires et sucrées tombaient sur moi comme des bijoux aux facettes de nuit. J’étais un berceau et les animaux dormaient entre mes coussins.

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