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oubliettes et ambulances 3 le répons

mercredi 15 février 2017, par Anna Jouy

Tu me prends le regard, je te rentre dedans.
Je me jette contre. Tes bras n’ouvrent pas ton corps, je me fracasse contre ta chair, je me frappe, je m’élance. Briseras-tu le mur, arriverais-je dedans ?
Mettre mon sang dans le tien, me loger au travers. Passer outre, passer travers. J’essaie, je refais, je m’élance. J’y vais de ma puissance, de ma sueur, de ma rage infernale. Tu sais que je ne vais pas y parvenir. Tu ne peux rien. Me recevoir, me renvoyer, me retenir un peu, pour me faire croire que tu comprends. Mais tu ne comprends rien, tu es loin ; même près tu es loin, même loin tu es loin.
Démence de bélier. Avoir part de ton ventre retourné dans ta vie première. Fractions de particules, je cours, je bombarde mon désir au cœur des particules. Tu es encore de pierre. Même tes bras, ton cercle, l’anse.
Ça ne passera donc jamais ?

J’étends mes doigts. Craquements de phalanges, je gigote, je manipule.
Clavier sauvage. Un galop, dans le terrain, pareil, des doigts sur les touches. À la rotule, au garrot, la course des ongulés de l’écriture. Mes mains dégagent le corral, je frappe, - je frapperais n’importe quoi-. Je force barrière et passage.
Entendre ce bruit de gare de triage, ce bruit de charge rapide, emballée. Songer à la force de poussière que cela va soulever sous mes narines, cette buée de naseaux, collante dans le foulard. Et l’humide du tissu quand on crache son souffle et qu’il pompe vos salives. Imaginer alors et désirer la guerre.
J’étends mes doigts, les étire comme des jambes à la marche.
Le pas de l’oie de ma main sur ta chair. Fantassins tranquilles et secrets éclaireurs du désir. Je vallonne, je creuse, je franchis les gués du pays. Je change mon rythme, je rampe au ras de la caresse. Le moindre craquement te fera fuir. Rester sur l’inconnu, au revers toujours et ne montrer aucune trace si ce n’est la piste silencieuse d’une possible bataille.
Et puis crocher mes doigts, reformer les griffes des accrochages. Chercher tes serres. Les empoigner. Nouer les prises, clés de bouches, clés de corps, de jambes. Dérouillée intense. Close-combat dans le sable du drap.
Ouvrir lâcher.
Chaque jour trier ainsi l’amour. Le domestiquer avec la même crainte de la fuite et l’emballement

Et redevenir sauvage.

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