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Vous êtes soudain – ce n’est que le temps d’un...

dimanche 22 octobre 2017, par Anna Jouy

Vous êtes soudain – ce n’est que le temps d’un mot qui tombe, pauvre feuille de route- dans le pavillon des cancéreux- Le monde est aussitôt projeté derrière la substance vitreuse, d’un côté les vivants et de l’autre les hors sol. Ni de racines ni d’ailes. Des gens flottent dans l’absence déjà, dans l’absence prochaine, dans l’absence peut-être. Je vois chaque visite dans ses mouvements désormais interdits, ses histoires variées, sa liberté. Et la mienne qui n’est plus, qu’une mesure de savates dans les couloirs, prend alors des allures de laisse, de dressage à l’organigramme des soins, une liberté sous contrôle des assignements à résidence.
Les maux intenses ou non règlent vite fait les tâches journalières, je me glisse misérablement dans les failles du système. J’existe, pas vrai ? Pas vrai ? Alors ce sont ces heures lâches où j’ose un poème ou un dessin, montrer une face ordinaire.

J’écris des poèmes d’amour. Je longe des corps lointains, inconnus. J’exerce des mots d’amour et de désir sur des êtres qui n’en savent rien ou qui n’en veulent pas. J’invente pour moi ces mains caressantes, ces regards amoureux. Des piolets dans ma vie si friable.
J’écris des poèmes de chair, de sexe généreux, des poèmes de pouls et de vin. La vie claudique certes mais l’amour… l’amour est-il lui aussi des rats quittant le navire. J’écris mes lèvres absorbant les rubans pâles de tes enfants. J’écris ce pont douvé de mes reins quand passe ta rivière.
Je t’invente toi, l’autre, une prise de sang fort à la fleur de tes dents.
Je le sais pourtant ; le monde vitreux où je veille, est stérile d’’amour. des jours, des saisons, des fleurs viendront encore, mais pas de main dans la mienne.

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