Journal poétique / www.jouyanna.ch

journal de l’aube 80

lundi 21 octobre 2013, par Anna Jouy

un bruit vient de casser la nuit en deux. ferronnerie de la porte d’entrée. je ne sais qui essaie de frapper ainsi chez moi, une bête, un humain ?
mais le sommeil est parti d’un coup.

la semaine déboule aussitôt, qui a un visage, celui de cette fille assise face à moi, regard à la fois fermé et triste. je sens qu’elle n’a jamais souri, que cela n’a jamais dû lui arriver. elle est grise, sale, cheveux et visage, dégage une terrible odeur écœurante et rance jusqu’à me brouiller l’estomac.
ses mains tournent et pincent sans fin sa figure, des cils au nez , des mèches grasses à tous ses petits boutons soigneusement grattés du bout de ses ongles peints.
sa bouche reste ouverte, ses yeux tombent sur moi, me traversent, y cherchent ce qu’elle doit y lire, qu’elle croit connaître, son habituel parcours.
je n’ai aucune réponse qu’une question qui me taraude, me fait mal, m’écœure de moi-même. pourquoi donc des êtres vivent-ils un tel destin, cumulent -ils autant de souffrance, sont-ils ainsi assurés que personne ne se risquera sans doute à les aimer ?
même ses parents qui s’enfuient, soulagés de me la confier quelques jours et qui n’ont eu ni la force, ni l’envie de lutter contre l’écrasante crasse qui englue leur fille.

j’essaie de lui parler, de l’estimer capable. elle a de l’arthrite juvénile, ses doigts tremblent. saisir les choses, les apprivoiser ? même la matière la rejette. alors..

nous engageons un autre travail, un mindmap sur le mot avenir.. tout change.
elle s’active, elle y va à fond.
sidérée, je tourne autour, tente de mieux voir. sa feuille est immense. elle suit la consigne sans faille, sans tamise, sans hésitation. la grande chaîne de sa pensée se déroule sous mes yeux : logique, humaine ô combien, écrite sans une seule erreur ni de mots, ni d’orthographe.
elle est. sur la feuille tout ce qu’elle ne peut pas montrer.

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