Journal poétique / www.jouyanna.ch

museum

vendredi 1er janvier 2016, par Anna Jouy

Reprise de travail. Le musée. Les visites. L’endroit parfait pour traîner sa science sans l’user. Une sorte de matière inerte. Que je porte en moi. Je ne sais comment la qualifier. Un tas de glaise ? Un bois, un marbre ? Un ensemble de pas et de gestes sur les genoux d’un paraplégique ? Un boisseau de livres dans un carton de déménageur ? Quelque chose comme ça.
Lucidement j’arpente les salles. Je connais chaque œuvre par cœur. J’en connais les ressorts qui les animent, les structures, les silences. Je connais l’histoire de leur créateur, l’histoire tout court. Je me promène là-dedans, dans un état clos, sous verre, éloigné de cordons.
Tout ce que je sais ne sert à rien, je ne m’ouvre pas. Je ne vais pas vers les visiteurs, je n’explique rien. Je suis heureux de me taire, de ne rien afficher, de ne rien transmettre. Je suis un dompteur dans une cage aux fauves. Je surveille ce qui se passe. Je sens, je ressens. Je vois les ondes indifférentes qui vont d’une toile à ces ramées de badauds. Je vois aussi comment parfois un être se fait dévorer. Comment il chute et ne se relève pas. Je jouis de cet instant, où l’artiste bouffe et mâche son spectateur, où il se le met sous la dent et le fait craquer. Je regarde. Je n’interviens pas. Il faut bien nourrir les bêtes...
Quelques heures par jour où je déambule, je pratique le déroulement naturel de mon refus d’être. Je marche, je tourne en rond, j’étends l’illusion de mon propre chemin. Je copie simplement le voyage. Tout comme ces peintres ont copié la vie. Lui ont-ils donné pour autant un sens ?

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