Je rumine une pensée, un mot sans doute oublié là, dans la salle des départs. Une odeur de bonbon monte de mon corps, un nuage sucre et citron qui semblait attendre de revenir vers moi, comme une tisane pour soigner les souvenirs. Et je me laisse importée, moi, mon temps, tout ce qui va avec. Je me laisse ramasser miette d’un lait qui m’enveloppe.
La pensée se résume à cet excédent de sirop qui par instant comme un vague besoin de soupape s’échappe en laissant une odeur douceâtre et enfantine. Je respire, cela va aussi s’échapper. J’engrange le parfum, cette ténacité inattendue du parfum d’un bonbon mou et collant, grand favori parmi toutes les récompenses. J’imagine sans peine que mon temps va passer aussi fondu sous la langue avec cette illusion de plaisir, ce résidu volatil d’en avoir bavé et puis quelques grammes de graisse poissant à jamais mes hanches.
Une forme de dureté est venue, une pointe plus dure et moins de fioritures, l’encre taillée court comme une haie sous la cisaille. Je le vois à la manière aigüe des lettres, à l’arrogance des m et de n, à la façon dont le j et les f s’élancent et puis ces s qui zèbrent la ligne. Pas moyen d’éviter ce constat. L’écriture est dénudée jusqu’à son os bien raide, une nature cinglante et moins amène.