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temps

lundi 31 octobre 2016, par Anna Jouy

Veille de tempête. Entre-deux de la poussée. Quelque chose attend et patiente sous le sol. Un germe, une larve, un œuf.
J’ai taillé mes bras à la mesure du saule. Je ne tends plus qu’à l’ampli du poumon. Les membres Samothrace, l’élan de poitrine, une faiblesse où il faudrait poser sa main pour la comprendre. La carotide se file à brins de miracle et la tête réclame des offices de peigne, permanente en bigoudis d’ange. Je m’enroule comme un papier de faits : le poème fait grain, soit il vit soit il meurt.

Et cette solitude est comme un carré de terre, une mesure étroite tirée au cordeau où je sème mes yeux à l’empan du désir.
Veille de tempête. Il est possible que je ne renaisse plus loin qu’abandonnée des ailes mais profilée guépard. plus jamais le poème, qu’une prose...

Pourquoi le temps compterait-il ? Il n’a pas assez de doigts pour ça. La main qui se tend rompt les bâtons qui me dénombrent. L’empêchement n’a que des ongles blancs qui serrent jusqu’aux pertes du vif. Et j’enchaîne les calculs, mathématiques de fer et de ciel, quelque chose de noué, le garrot de mes phalanges.

Pourquoi le temps serait-il court ou long ? Il est debout et ce n’est que mon empreinte deux souliers dans la neige de ce matin, un peu d’ombre oui pour la marque de l’arbre. Debout et de vertèbres, mes échasses éphémères empilent les horizons. Je dresse mes cheveux à l’électricité statique.

Pourquoi le temps passerait-il ? Ne vois- tu pas que tout revient à dire… multiples du carrefour, puissance du giratoire ? Il faut grainer, voyelles, il faut arrondir sa fin, semence après semaines. Au poquet de la tombe, de la fontaine, des indices du tournis. Tu n’as pas fini de voir ton devant qu’il te prend par derrière, orbe de la bouche et fumées des ampoules.

Pourquoi le temps m’interroge ? Je suis au fond de la classe. « Il y a longtemps que je t’aime, jamais…" Je suis dehors, ne peut me faire rentrer.

Le sommeil s’écarte, un souffle en a effacé le sable, ses dessins sortis de la poussière de mon esprit. Je tranche mon chemin dans la nuit, part de vie supplémentaire pour les obèses du cœur. Ça de gagné. J’ai beau chercher à raccrocher mon wagon au fil qui dort, je suis dénouée. Inutile.
La maison m’entoure. Faut éclore. Développer mon jupon alentour. Briser la coque et rejoindre le monde. Reprise dit-on. Comme si les vacances avaient troué quelque chose et que la vie avait fait une chute.
C’était bien mieux, respirer dans la nuit comme avec des branchies, ne m’inquiéter de rien car l’espace de rêver avait gagné d’autres territoires. Tourner le sablier à l’envers, voir la lumière de mon hublot de rêveur, sous-mariner sans complexe. Personne ne m’attendait sur la plage. Et me demander parfois ce que ce serait de ne plus vivre que là où le monde se concentre et rassemble autour de moi l’obscurité pour ne jamais plus me distraire…
Et puis comme à chaque temps de recommencement, ce frisson d’angoisse de sentir se réaliser mon échéance..


reprise

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