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dimanche 13 février 2022, par Anna Jouy

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Peut-être au début, c’était une histoire, un récit. Possible d’ailleurs que sans cette histoire je ne serais allée nulle part. Mais là il y avait un début comme une fin et donc un chemin tout tracé en somme. Raconter devait suffire. Mais je n’allais pas du tout être confrontée à l’histoire, ce n’est pas ce qui s’est passé. Au contraire. Tant que je restais dans le récit, je ne disais rien. Rien de ceux dont je parlais, rien de ce qui se jouait entre eux. Je racontais et j’étais loin de les écrire.
C’est ce qui m’est apparu. La parole qui dénouait l’histoire n’avait aucune importance, aucune puissance. Le récit me portait bêtement, il profitait de ce que j’avais des mots pour se parer mais je n’écrivais rien.
C’est quand cette platitude, cette vanité de la fiction m’a frappée que j’ai commencé à écrire. Il fallait procéder à une transplantation de l’histoire dans un autre corps, transplanter chacun de mes personnages dans un autre corps, un corps fait de mots. Il fallait apprendre à extraire le vécu, la véracité, le mystère des gens pour ensuite les repiquer dans un terreau vif qui est celui de l’écriture. Sinon, cela ne servait à rien.
Quand on essaie de raconter une histoire, on est face à une sorte de corps éteint. Un corps fini dont il est possible cependant de prélever non pas les organes mais le souffle. L’écriture est une écumoire à âme. Elle me semble devoir filtrer le réel et c’est dans ce filtrage qu’elle est création.

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