Journal poétique / www.jouyanna.ch

journal de l’aube 51

mercredi 18 septembre 2013, par Anna Jouy

je classe ce matin. je range, je trie. inventaire des amertumes peut-être, d’une réalité dont je me méfie parce que ce n’est jamais que ça, que le dos rond d’un cartable d’archives.

mais voici l’amour froid, le baiser serré tendu de la mère. il aurait suffi bien entendu d’être mal en point physiquement, malade "pour de vrai, pas dans ta tête", pour le voir cet amour, inquiet, m’enjoindre de cesser de le faire bouger, de le réveiller pour si peu.

voici l’amour silencieux du père, qui suit mes pas de loin ou de près, secret à ne pas dévoiler, l’amour qui ne veut rien me devoir mais submergeant ma vie d’impositions diverses. parfois il avait un mot, cet amour, qui mettait un point décoratif au bout de la ligne, un amour habillé de tant de dépits, de petits mépris aussi parfois que je ne pouvais que douter de ce qui me concernait.

voici l’amour moqueur, railleur, sectaire dans lequel il y a si peu à puiser, ni aide ni écoute, le croisement parfait de ses origines, muet inactif, m’enjoignant de rester dans mon rôle et de ne rien remettre en cause. amour parce que déclaré comme tel mais dans lequel je ne reconnais pas l’amour. j’en cherche les traces, l’enveloppement, la douceur, l’inconditionnelle attention et bienveillance. on dirait un masque. avec amour, signe-t-il toujours cet amour, et je cherche dans les lignes la phrase, le terme, l’accord verbal qui le contiendrait. je suis aveugle.

voici l’amour donne-moi tout je n’ai rien pour toi, tu m’appartiens, corps, pensées et temps complet. amour qui ne s’arrête pas, nulle part. qui ne rend aucun solde des heures, mais me jette accroupie esclave.

voici l’amour caresse-moi, baise-moi, je n’ai pas de mot pour toi ni de place. tu es mon placard à jouissance

et puis
l’amour simple, bon, agité, miel poivré de mes fils
celui d’un regard croisé, fraction infinie d’un vaste projet, fusillade de bienfaits
l’amour amitié qui dévoile les facettes lumineuses des pierres

hélas suis-je ainsi brisée que l’amour ne se définisse jamais mieux que par le manque
il ne peut pas être que ces traînées
il est lisible dans le texte, le sacré dans sa plus belle nudité.

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