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strasbourg verticale/5

samedi 27 juillet 2013, par Anna Jouy

résumé des articles précédents :

Strasbourg en 2300 est une ville close. un homme généalogiste virtuel rencontre en prenant le vieux train désaffecté de sa ville, Daphné qui lui semble être une très vieille connaissance.

parallèlement en 2013, une femme raconte sa découverte de la ville de Strasbourg...

...Les stores baissés faisaient sur elle des stries fines. On l’aurait dit casquée. Et comme la lumière ne lui parvenait que de manière indirecte, cela lui donnait une douceur fardée et pastel qui la poudrait légèrement.
C’est elle qui prit la parole.
 Où allez-vous ?
 Je me rends à Arc-en-Ciel. C’est là que je vais prendre possession de mon nouveau logement. Et vous ?
 Je viens chez vous. Enfin, si cela ne vous dérange pas trop..., dit-elle sans pour autant donner l’impression qu’elle tenait à rester convenable.
Je fus abasourdi. Qui ne l’aurait pas été à ma place ?
 Chez... moi ? Et comment cela se fait-il ?
 Il y a un "rat dans mon frigo". Personne n’est venu le chercher. Je ne peux vivre avec lui. Alors je suis sortie. J’ai pensé : je rencontrerai quelqu’un. Je lui demanderai son avis.
.. A votre avis, est-ce raisonnable de partager son domicile avec un rat ?
 Non... Bien sûr que non, dis-je avec difficulté.

Mon coup de foudre sentait soudainement le pétard mouillé. Qu’elle ait eu ce genre de culot avait suffi à me rendre méfiant.
Elle me repêcha du coin de son oeil rose.

 Je plaisantais, fit-elle.
 Comment ?
 Oui. Je vous testais.
 Ah bon ?
 Je suis sociologue. J’ai élaboré une théorie sur les humains. De temps à autre, je sors pour mettre mes idées à l’épreuve. Je cherche et je trouve parfois des cobayes. Merci à vous, les clients sont rarissimes.
 Vous m’épatez. Alors, cette histoire de rat et d’abri, c’est de la blague ?
 Non. Effectivement, il y a un rat dans mon frigo. Ce dernier en a profité pour cesser de fonctionner. Mais je ne me vois pas dormir dehors. Alors...
 J’emménage Rue Arc-en-Ciel. Venez-y.
 Pardon ?
 Oui. Venez, c’est vaste... Et j’ai moi aussi besoin d’un cobaye.

Daphné sourit. Ses dents jaunies et ses lèvres froncées. Malgré cela, elle avait le charme fou des véritables enfants. J’avais jeté mon invitation. Ça n’avait été qu’une boutade qui n’avait d’autre motif que de capter momentanément son attention. Maintenant, je crois que j’avais suivi plutôt un ordre intime, une intuition qui fait entendre parfois plus clairement la bonne voix.

La ligne Arc-en-Ciel n’était qu’un profond canal de pierres rectiligne, une longue perspective sur laquelle valsait le plus vieux train de la cité. C’était le Sud qui croyait au Nord, filant d’un sens à l’autre. Je me rappelais que dans les environs du centre, il y avait une place et que si l’on descendait là, on pouvait... Mais dans mon esprit, nous n’étions que du ballast au bout d’une flèche et il était hors de question de choisir, de bifurquer ou même de faire une halte.
Oui.Place Gutenberg. Les maisons aux toits pointus et ce bâtiment que l’on nommait Hôtel de Ville.

A SUIVRE

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