Journal poétique / www.jouyanna.ch

souvenir de gare

dimanche 16 mars 2014, par Anna Jouy

Hall hérissé. Pleine gare de pilotis. Les humains suivent leurs transhumances de fers, Chaque jour, déversement de ces mikados qui se rangent par catégories dans leurs longues boîtes en métal fuselé.
Hall empli de résonnance, les angoisses vrillent jusqu’aux verrières. Elle lève la tête. Là-haut chaque fois, son cœur monte, gonflé d’un hélium expansif. Il tape au plafond. Dès le grand porche franchi, dès le premier pas dans le terrarium lumineux des serpents voyageurs. Toujours. Et puis, attendre, attendre là, que viennent comme des tickets de rationnement de souffle et de respiration, les annonces de voies, de quais et de départs.
Patience, cette contrariété aiguisée de décisions qu’elle ne saura prendre, de contraintes sans fin subies, d’un mouvement de foule qu’elle abhorre de toute son âme et qui s’appelle suivre les indications des compagnies ferroviaires. Elle s’assied du mieux qu’elle peut, si possible dans un coin inconfortable, rassemble ses affaires autour d’elle avec des mouvements bien cerclés, comme des tentatives de retenir ce sable funeste qui la quitte et se laisse glisser à terre, marquant sa chute, comme une hernie d’elle-même qui l’alourdirait au sol.
Grosse valise. Sacs à tiroirs. Chaque déplacement est une sorte d’aventure contre elle-même. C’est selon les épreuves qu’elle s’inflige et qui ne la libèrent jamais des angoisses démentes qui accompagnent ses voyages.
Le ciel dehors annonce une journée idéale. Passer d’un bord à l’autre d’un pays, pousser son caddy de consommatrice modérée d’espaces nouveaux, par ce gris verdâtre d’une gare cuivrée vieux, c’est se faciliter la translation.
Les abords des rames sont toujours grouillants, vers frénétiques, enlacements, pas de courses, trottinements discontinus de petits vieux en sandales. Elle tente de replier sa peur dans les doubles poches de son manteau. Elle se maintient.
Le temps peut ensuite longuement s’écouler. Elle saura patienter.

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