parler toute seule. surprises vocales. se parler en douce, s’invectiver, se répondre. parler à l’épaule, au cou, parler à la boîte crânienne. relier la langue à la nature, faire un nœud coulant et s’y balancer, large voile de palais, en avant toute : la vie à lapées de définition.
se parler murmure, marmonnement, soliloque. maintenir à flot, le secret et les jalousies à peine ouvertes des lèvres qui ensoleillent l’âme.
je me parle encore, lieux solitaires, caresses de la gorge : apprivoiser le bord de l’existence, tendre un mot comme une main et laisser re-venir les fauves domestiqués, sa cohorte, sa traîne de chalut, sa suite. j’ajoute à chaque mot un autre, une facette, une mise au point, procession à terme pour rogater du sens tous les sens possibles et surtout ceux qu’on oublie, les désuétudes, l’arrière goût du vocabulaire. chaque mot est un apéro du monde.
parler toute seule. je me dis tant de choses qu’il faut bien qu’on me dise, conversations névrotiques, l’intérieur déborde. pétille et fait petit champagne.
je pense et aussitôt j’oublie...je ne veux plus rien garder dedans. j’ai rétréci le coton et la soie des pensées. je débobine, je défais au fur et à mesure. tête vide, un écho s’y promène tape aux falaises prisonnier unique, la vieille histoire...
alors je parle et rends mes contes