Journal poétique / www.jouyanna.ch

love letters

dimanche 17 janvier 2016, par Anna Jouy

J’ignore toujours ton prénom, le sais-tu ? Tu portes ton nom avec une telle grâce, je ne veux rien savoir d’autre qui pourrait en alourdir la légèreté. Quand je le dis, je vois le sommet d’un arbre, très haut et empli d’oiseaux qui pépient. Tu vois ? Une sorte de nuage de bruits mais de bruits qui volent et roulent dans le ciel, ensemble. Ces masses d’étourneaux qui s’exercent au voyage, qui s’enroulent et se défont dans une seule vague. J’ignore comment te nommer, mieux et je ne le voudrais pas. Ce mystère entre nous est tellement parfait. Est-ce qu’on peut dire que le secret est parfait ? Est-ce que cela a du sens ? Nous sommes de ceux qui cherchent des sésames mais nous sommes bien incapables d’ouvrir pourtant nos yeux.
Je ne sais pourquoi je t’écris. Est-ce que c’est nécessaire ? Faut-il que je m’explique, que je te dévoile les sensations qui me traversent depuis que tu es là et que tu veux bien que je sois là aussi. Il n’y a rien à expliquer.
Pourtant je veux t’écrire, il y a des choses pour lesquelles on ne peut vraiment faire autrement. En fait, elles n’existeraient sans doute pas si je ne prenais sur moi de les nommer. Tu aurais toujours des doutes, tu pourrais te dire : c’est mon imagination, ce n’est peut-être pas vrai. Je veux que ce soit réel. Je veux que tu vois, sous forme de syllabes, d’encre, de papier ce qui est en fait totalement indicible. Je veux que tu puisses te raccrocher à ces mots, que tu puisses en faire usage, que tu puisses y faire un nid. Que le sentiment se transforme en ciment. Du concret, du solide. Donc tu vois je t’écris.
Entre les lignes tu percevras ces choses que l’on a faites ensemble, notre activisme, notre silence plein et voluptueux. Là je mets des gabarits, je tuteure, j’arme notre construction avec du papier. Tu te dis que c’est léger. Oui, c’est vrai. Je m’en rends bien compte mais il n’y a rien de plus solide au fond que ces contrats signés, que ces chenilles qui courent sur des feuillets et qui dévident des âmes comme des bobines de barbelés et de soie. Je t’écris. Je veux que tu aies une île dans la mer, qu’il existe une terre, même petite unique et sans maison, où tu puisses amarrer notre barque. Il faut des mots, je veux en user pour toi, remplir la cale de ce sentiment de vocables et de poudre, naviguer un bras de mer, assez loin et m’ouvrir enfin. Je sais qu’il y aura assez de sable en moi pour sortir une terre de l’eau et que naisse notre atoll.


work in progress

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