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strasbourg verticale 2

samedi 20 juillet 2013, par Anna Jouy

2.

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Le convoi s’élança. Mon regard traînait sur les moellons du quai pavé et cette loge de métal dans laquelle on avait placé l’automate à billets, une loge vert foncé, avec des empreintes de feuilles prises dans les piliers.
Cette vision me troubla soudainement, comme si dans ce lieu-même, j’avais déjà vécu un instant identique. L’éloignement progressif du train semblait souligner une terrible perte passée. Ce sentiment me prit si fortement que je crus à ce moment précis qu’on me privait de l’essentiel, d’un enfant, d’une femme, ou pire d’une certaine innocence.

Daphné me toisa à nouveau, relevant le coin de ses lèvres. Je me surpris à me demander s’il s’agissait d’un rictus ou d’un de ces tics dont nous, les vieux, avons le privilège. La sensation désagréable de l’instant précédant imprégnait mes pensées et je maudissais mon imagination !

Je me plongeai alors dans un nouvel examen appliqué de ces murs si hauts, roses et noirs, qui rejoignaient les bâtiments antiques et semblaient même les supporter.
Quand il avait fallu se soumettre à cette conception nouvelle du transport en commun, on avait pris les choses au sérieux et tranché à vif dans le problème. On avait fendu de profondes gorges dans la cité pour y enfouir les rails. Nulle part, dans tout l’espace urbain, il n’avait été question de laisser accès à quelque quatre ou deux roues que ce soit. On avait aboli la rue. Enterrée. Asséchée en chemins creux et inaccessibles autrement qu’à pied et au travers de longs couloirs. Racornie en canaux de pierres roses et noires qui semblaient être le prolongement fantastique de tous ces palais.

Daphné triturait sa laine, le fond de sa poche. J’étais revenu sur son visage. Il y avait quelque chose en elle qui m’épongeait, me gobait et j’avais beau vouloir accrocher mon regard aux bouquets épars des mousses qui garnissaient la muraille, je me retrouvais très vite la dévisageant.
Il me devint évident que cette femme et moi avions déjà eu à faire ensemble. Quel que fut le temps.

A SUIVRE...

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