il y aurait beaucoup à dire. on est soi et puis, ce que l’on croit être soi.
je suis ce que je connais de moi et je suis une part de ces regards avec lesquels les autres m’approchent et me percent à jour... les deux ensemble peut-être ?

une rencontre comporte bien des risques.je le sais. elle révèle souvent bien moins qu’elle n’opacifie.

l’apparence, l’allure, objets de divinations stériles, corps voix yeux, tout cela, au premier coup d’œil... et vous glissez soudain comme une eau sale sur le visage de l’autre qui pourtant vous attendait, vous espérait, vous "croyait...
chiffonné et remisé dans le casier sans suite : la rencontre a stoppé net le flux ; le liant d’êtres est sec. instant qui passe comme voile gris, depuis l’on vous a imaginé à vous n’êtes que...

et ces raisons avec lesquelles on a monté votre statue s’écroulent.
le charme dû au fantasme et à l’inconnu disparaissent, avec raison. comment en serait-il autrement ? les profondeurs d’un dialogue sans corps à corps buttent contre les chairs et semblent y faire des ricochets à bâtons rompus. la superficie de l’autre prend le pas sur sa contenance.

je déçois toujours. les rencontres ne vont que rarement dans le sens d’une intensification des liens. l’ai expérimenté souvent. mon silence, ma façon d’être escamotent aussitôt le secret qui a attiré et créé le rendez-vous.

le vrai mystère pourtant ne se révèle jamais dans la civile apparence. je ne ressemble pas à mes poèmes. jamais je ne voudrais mettre cette nudité pour sortir et rencontrer quiconque.
me regarder, me côtoyer, n’amènent étrangement qu’à épaissir les distances.

je songe en marchant aux côtés de ces brefs contacts, comment se peut-il que mon corps soit tant ennemi qu’il puisse ainsi me nuire et tenir invisible et intangible mon âme ?