c’est l’aube où la vie se remplit de détails, chaque parcelle de couleur, chaque mouvement et parfum ré-entourent cette éclosion des attentions scrupuleuses. et tout chaque fois s’organise et se fait sans le moindre accroc.

dans un ordre parfait, la transmission des otages de la nuit sur un pont ou à Checkpoint Charlie. je troque et vois glisser dans la brume féroce les prisonniers intimes, les vagabonds furtifs. échange silencieux, le rite est accompli.
je suis le gardien muet, l’homme de paille, le subalterne des besognes de manivelle. il faut à la clef remonter chaque oiseau, chaque danseuse et le temps, horloge amnésique qui s’est assoupie comme ça assise dans un verre d’eau sur la table de nuit.
je manipule le levier de l’ascenseur primitif. toute invention nouvelle n’a jamais pu servir à cette tâche. la nuit sort à la main, n’obéit qu’au doigt et à l’ange, de chair à chair, de nue à nue, de ces douanes lourdes ou légères. avec le grincement secret de mes chaînes, remettre en place le pantin de mon existence. moteur action !

lui : - ne viens pas, j’ai un rendez-vous...
elle : - oui moi aussi
lui : - bien
elle : - à demain

la porte entrouverte s’écarte largement sur le noir. il sort
elle est à sa fenêtre. la ville apparait plus lointaine encore des quelques lumières qui l’habillent.