si les murs se mettaient à prendre vie, ces tableaux, les monstres qui les habitent, le dragon transformé en trahison du tendre, la dame aux mille mots et mon portrait en femme qui attend...
si eux, entourant d’un demi-cercle magique l’espace où j’écris, me demandant de faire le dernier maillon de la chaîne, se mettaient à faire une ronde d’enfance de vieilleries ensorcelantes...
je me tiens dans le cercle de craie comme souvent, dans l’inviolable sécurité, transparente, invisible donc invincible..donc invincible.
j’entame la danse qui fait fuir les rêves par les issues de la mémoire. déjà ne me reste qu’une seule image. un grand couloir sombre et la lumière d’une rue. sans doute une allée du Palais Royal, assombrie par de vieux désirs. l’intérieur d’un cerveau est une mine d’encre.
la fraîcheur pénètre le gouffre chaud de mon matin, un appel d’air dans les rideaux. la maison est d’un calme souverain. le bruit des "toupins" sombres, pas très loin. c’est vraiment Aube la belle.

le cahier se remplit il est aussi noir que le tunnel du dedans, le boyau. j’ai des pensées qui naissent dans les boyaux, la plupart du temps. aucune matrice juste cette espèce de canal tuyauté qui doit se balader dans le "crémol" grâce à ces spasmes qu’ont les vers pour bouffer la terre et avancer. je suis un fruit habité.

*toupin : grosse cloche de métal fin à résonance basse