Peut-être est-ce pour cela que j’aime l’aube. Le lever, le passage étonné de la nuit vers le jour. Où qu’il me conduise.
L’aube ligne du départ, nouveau coup de sac du bonheur, incessante reprise du passé sur le futur, couture au zig zag entre rêves et réalité. J’ouvre les yeux et me savoir vive, avec un nouveau jeu entre les doigts, une nouvelle main, des cartes fraîches… La force d’un espoir plus puissant que le sombre résultat du soir quand les poches sont toujours aussi vides et le temps toujours aussi vain.
L’aube du chant de l’oiseau, du bruissement du drap, de l’odeur de la peau. L’aube des gris de couleurs, de la naissance du bleu, de l’ouverture des roses. L’aube charnelle du ventre qui a faim de la vessie trop pleine de la pluie qui chante dans les wc. L’aube du pied gauche, de l’ébrouement des songes, de la prise de sang. L’aube des maux, l’aube des râles, des jouissances. La première chaque fois la dernière chaque fois. La main dans une autre ne serait-ce que la sienne. Le salut, l’horloge, la saveur de pain de café de jardin. L’aube de sa douleur de sa pâleur de ses nécessaires. L’aube et se lever.
Amarrer sa barque d’obscurités. Accoster sur une île neuve. Refaire l’aventure. Lire son courrier si jamais si jamais… Sacrifier aux rites de tout débarquement, poser ses papiers, amender son honneur. Tendre la patte tirer la langue faire ses petits tours de passe-passe, choisir son rôle, son texte, sa figuration au lointain. Se lever et faire partie de ce tout improbable indécent de viscosité dont on devine qu’il peut être la morve d’un faux dieu. Gagner sa vie.
Reprendre est un si joli terme. Reprendre ou donner une nouvelle chance à la prise, l’acculer à la tentative. A la tentation. Reprendre parce que ce n’était pas ça pas assez pas parfait. Reprendre l’histoire, le verbe la main la femme, reprendre la tâche d’aimer de faire.
Reprendre l’air après la chute, inspirer aspirer une vie quand le souffle arrive. A l’aube.