Journal poétique / www.jouyanna.ch

la patience d’écrire

dimanche 28 août 2016, par Anna Jouy

des milliers, des tonnes, des masses, des foules de gens, des cortèges, des défilés, des trains à bestiaux, des plaines entières de bêtes à encre, le stylo à la main et qui viennent et se pressent et s’entassent et s’étouffent au corral des éleveurs bouchers, ailleurs, ceux qui les trient au goulet, pour suspendre à leur ligne éditoriale à tenir, l’un ou l’autre parfois, comme on pend une carcasse au crochet, avant le pâté, le gros hachis

des milliers, des tonnes de mots, des pelles à ordures de paroles, des montagnes, des fumiers de mots qui s’empilent et qu’on livre et qu’on juge sublimes et qu’on vénère comme sortis d’une bouche de génie. des mots, du rien, des parures qui bouchonnent, qui stagnent, se putréfient, occlusion des viscères.

on a écrit comme eux, comme elles. on est là-dedans. on est comme eux. on se pense plus ou mieux mais on n’est rien de plus. qu’importe le sens qu’eux cherchent gloire, argent, réputation et qui ne serait pas le sien, cela ne change rien. on se croit nécessaire mais l’est-on et qu’a-t-on de plus...rien, terriblement rien qui distingue.

le temps passé, le sérieux à le faire, la constance, l’évolution, sont-ce des preuves d’une autre idée de l’écrit ou d’une nécessité qui dépasserait, et de loin, le fait de se savoir écrivain au fond de l’être et non dans le statut ?.

il y a tellement de monde, tant d’auteurs qui chient de l’écrit que je ressens une forme de honte ambigüe de faire partie de ce troupeau. je ressens une gêne vergogneuse d’être de cette foule dont je sais pertinemment qu’elle tue la littérature et l’étrangle. il faudrait n’écrire plus que pour ..se relire. et c’est douloureux comme de se sentir dans la compagnie des assassins et des indignes. des délateurs. comme d’être des traitres.

aux Ed. Qazaq, www.qazaq.fr.

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