Journal poétique / www.jouyanna.ch

bloc 8

petits séismes jardiniers

dimanche 4 septembre 2016, par Anna Jouy

1

fermer les pas sur la contredanse les bourdons élastiques clore les mains une maille après l’autre dans un gilet essorer le jus attendre que ça se délace épeler le muguet aux carrés blancs bander la course le mors au poing ongles ras les élans prononcer dans l’eau silencieuse ces livres où gisent les idées éteindre alors ma course comme une chute sur du tartan léger.

2

mind map mon amour mets les bouts par toutes les racines la bouche pleine terre et tes bulbes tulipes les pas migrateurs d’une ombre à l’autre je ramifie la mort par le bas par le haut de la sève malade injectée à la main traçabilité de veine les nids asthmatiques crachent mes idoles absorbées fibre à fibre dans le périmètre de sable mind map mon amour l’arbre est mon delta mais la mer est à toi.

3

glu poisse tue-mouche chacun sa punaise sur le silence scotcher les élytres du poème empesé d’amidon papiers adhésifs sur les poussières je me replie rabattue figée.

4

la carlingue est bourrée d’envols et de départs pleines gueules et pleins ventres les orgasmes attachés et les sièges éjectables une montée en fuselage à bord on matricule sa place au pays des allers-retours les genoux joints les mains aux menottes la trouille de sauvetage et l’air de courte échelle c’est de l’acier qui brille de l’oiseau riveté mazouté ivre mort avec bâillon sur le mur du son si haut le ciel fendu bave des fleurs blanches et dans le hublot nu j’écope les pétales.

5

voici que s’éparpille mon arrosoir aubaine de syllabes j’implore ma soif d’un semis de salives ma bouche Pénélope murmure sans filej’estime à langueur de pommeau le temps qu’il me reste pour offrir un jardin des parfums de troènes des buis et des pivoines l’amère vertu des ricins et mon âge j’équeute mes apostrophes je pointe j’épile la pluie et ses implants hors texte ces étangs d’encre qui mangent mes buvards, le temps qu’il me reste et ce fruit bien trop.

6

analphabet hoquette un boulier de paroles le flipper des lettres qui montent et chuteront sans doute avec ces oblitérations percées au coin du langage et puis ces manques d’adresse ces courriers sans retour ne plus écrireque des enveloppes creuses avec un peu de colle un coup de langue experte mais dedans dedans posés pudiques ces silences des yeux lèvres cousues le mot qui bute taratatatatata le dernier mot.

7

biopsie du quotidien je nettoie la césure un souffle en l’air le bain aux plantes et paraffine aux trousses cesser de tourner autour qu’ils dessaoulent de moi, inventent une ivresse de couleurs, comme de la joie qui aurait cuit dans mes cerises comme des bouilloires de menthe des pelures d’art à faire des cataplasmes et les sinapismes moutarde pour extorquer le mal je trempe le petit trou noir noir noir.

9

alors comme un autre leste la mer sur les épaules ta voix tourne dans des battants d’airain je range la chambre des mots et la maison des délices désinvoltage de pagaille ton dépôt de souffle dans mes nomenclatures une lettre geinte le craquement éparpillé d’un arbre et les vocables déminés.

10

dans mes yeux tu verras l’écaille le bris sale d’une sale histoire fiché donné et son étoile départie des lumières tu verras ce vert de moisissure lichen de parcimonie sur tant et tant d’avenir tu cueilleras sans doute ce petit pois qui germe un cristal de boue sur le regard et tu diras alors que le monde soit propre et pur que le monde soit propre et pur tu déracineras cette liane prisonnière et je prendrai comme toute graine le cursus du vent.

11

le matin vient de descendre dans la bodum cafetière écrasé noir déjà d’une nuit de licorne mes plumes pointues dans le jaune beurre d’un soleil d’été et ses raclures de table pour ne pas gaspiller le temps descendu entre mes dents de lait et ce sucre de lèvres bonne mère dégustation sans faim d’un retour à la coque la poésie siffle à peine qu’il faut déjà qu’elle s’écale j’avale maintenant une clef il paraît que c’est boutique ouverte jusqu’à sans cœur.

12

appâte bas les pattes touche pas d’attouches j’ai les piques en applique et tous ces plocs de pluies atomiques déporte les gens de ma sorte se diffractent honnis fracs je défroque défloque des amiantes mes amants toxiques colchiques pornotic’s je consume mes phénix posthumes déplume insultes et culbutes empoigne desquame m’éloigne ça tord encore et mord à mort.

13

porter le cœur de rouille saint sacrement de poitrine tresse de coquelicots ouverte avec des vapeurs des oraisons de raphia et l’entêtant parfumé qui revient en mémoire comme les oiseaux éventent le secret du ciel chaque souffle monte descend et fait sur moi les sinusoïdes de Bengale d’un feu de chapelle tatouage bijou au cou.

14

acrobate as-tu écrit comme une encolure sur des baptêmes une eau fraîche qui aurait dansé sur nous la poésie de naître je garde mes jupes en l’air axel et triple lutz cela fait des cercles de jambes et des auréoles sur la légèreté de vivre et de rester ainsi suspendue.

15

dommage personne ne sait comment tu envisages de faire l’ombre te mettre debout un parc à tes pieds et le bitume orange debout sur les statues et la lumière face à face par tous les marbres les granits les mains ouvertes pour créer le vol gris de ton corps ? tu découperas aux ciseaux le bord précis de toi et laisseras tes chutes la feuille décalque de ton souffle jusqu’ à ce que ton ombre et toi vous soyez séparés avec ce bruit opaque d’une nuit qui tombe.

16

indiction à l’oiseau nous avons rendez-vous toi et moi mon oreille avec l’attention de désambler les rumeurs et désunir l’épaisseur du bruit urgence et convocation t’entendre dans l’imperceptible oiseau sans cri oiseau sans chant qui frétille minuscule dans mes paumes pavillons j’écarte à la nage les flots la musique t’entendre m’est si capiteux entêtant décodage de ton incantation ce murmure infradien qui ventouse eaux et lunes et me balance dans les motus.

17

écailles essentielles strass bleuté des camisoles de l’eau je fraie d’yeux et des toiles défigures défaites dépôts écailles essentielles morsures dents sur dents dans l’armure je ravale à l’alène ces cottes chapiteaux démaillages dessoudures défauts écailles essentielles carapace engourdie de cals d‘usure j’écorce silences et cavernes débâcles déchirures des mots.

18

le ciel pêche l’aréole éclatée d’un lancer de bouchon sur un miroir frigo un matin aquatique et mon roseau qui penche vent de degrés Nord gel royal des ampères les magnétiques figées auto contrôle aiguillage automatique je tétanise le désir ma statue de sel et mes goujons raidis et se balance la prise nue d’un filet de grands vents.

19

on se couche les mines éparses à ciel ouvert strates de plume et strates de carbone ça fait un mille feuilles de rêves pour ne dire qu’un caillou une gemme indécente qui tomberait de la lune on se couche mains gantées faut beaucoup de velours pour oser s’en aller comme ça presque nus dans les plis d’un autre s’en faire jusqu’à sa mort s’en remettre en corps on se couche souffles coupés d’une débattue d’hiver émiettés sabliers bouche à bouche dans la bouche d’un autre et ses salives douces se soigner et guérir de sa perte à venir.

20

combien de mauves sur les cintres pastels d’une passion lavée demie teinte mi nuit mi feu ajustés entre cernes et veines coupées autre temps de violettes combien de fluides sur les cintres paniers à courants d’air camouflages papillons froissés plissés broderies entre moi et soie autre temps de dentelles combien de masques sur les cintres loups de pailles escamotant le vide velours de facies entre le rire et les pleurs chirurgie pathétique de peau à peau autre temps de paraître.

21

vous vous lèverez avec une tache de questions et du travail à faire l’urgence de résoudre un sentier d’éroder le corps air contre air et d’émietter les grumeaux de penser vous déglutirez les filasses d’azur pertes sèches et ces parfums montés trop mûrs vous aurez soif dans le siphon des habitudes soudain des sels de rivières des rapides des cailloux vous chercherez à étourdir ces lancées fiévreuses dans de l’eau triste scaphandrier de solitude vous ferez parce que rien d’autre rien de plus les yeux cousus sur les doigts de la main vous déferez les doublures vives l’usure retournée comme un manteau ma fatigue est un boa qui serre la nuit entre ses mues une reptation d’entre les vertèbres revenue d’un paradis perdu couchée avec les ondes lentes du bas vers le haut crécelle d’insomnie je déboîte mes anneaux aux virages de la lune négresse girafe agitant ses bracelets avec ce rien de négligence qui glisse sous les doigts je rampe les yeux ouverts vers des plafonds étroits vie ou mort je me lasse de charmer à la flûte le temps qui dort.

22

dans ce sac de terres mêlées de sables de glaise balourde aucune graine ne bande ses forces des racines des cheveux des cosmos fertiles des réseaux de sangs croisés des veines de la vie en tige aucune graine ne désappe ses écorces nue éponge humide prête à la décharge d’électriques vibrations, bruissante d’eau aucune graine pour faire soleil ou fruit.

23

tout le reste t’appartient l’horizon que caresse ma main et la petitesse des choses le papier, l’encre et l’œuf des oiseaux tout tout le reste et que je ne vais pas dire ta nuit ton corps donné rompu sur d’autres humains et ta voix sombre pierre à l’orée des puits tout le reste mais dans ma main refermée une ligne grave ton nom.

24

sous les paupières c’est là que se tiennent les agrumes juteux des lumières je lèche la pulpe de tes fruits je soude mes cils chenille je grignote des pupilles je mastique le soleil farci de secrets de silence comme des iris trop mûrs coulent avec de longues taches et des papillons noirs.

25

un murmure enjupé de rayures de griffes cinglant les sabliers épiderme rouge d’un soleil cyclope sur la peau ses décalques au tampon de marquage l’âme bestiole fonde des bas-reliefs parole barbelée partout autour enchâssée dans ce murmure ajusteur de prisons.

26

mourir je connais ça de ces mises à terre électriques le sol n’est pas si froid quand on rejoint les pierres on plie les genoux on baise ses poussières mourir décapés fous éloignés des prières cela s’est déjà fait c’est presque convenu c’est presque dépassé de se sentir nu parmi les trépassés mourir je connais ça quand la main se déchire que ce sera tout seul seul au hasard des exils ça dessoude jusqu’au pugilat le poing serré le poing serré sur soi ce bruit d’une main qui décrasse sa vie de toute la boue des heures mourir je connais ça je le vis accroupie sur le noir des rhizomes agrippés sur le vide j’accouche de chants stériles de chants calcaires sans plus de cathédrales la bouche ouverte à respirer encore.

27

une incisive pour poinçonner le voyage voguerait l’amer voguerait ma nonchalance à la tamise des matins on verrait mes hanches prendre l’eau et ma danse écarteler mes pas j’irais un peu ivre pour finir mon histoire suivre l’ombre des oiseaux à cheval de ciel et légère légère enfin comme un peu de bise dans la main d’un adieu.

28

bêche à dents, le jardin monte tous les bulbes dehors au cœur des cosmos j’attends du ciel qu’il joue les petits pères la pluie avec des gouttes et des suées tutrices je mets mes semelles terriennes mes arbres à gants et mon lierre tuyau attendre est d’une impatience rampante lever la tête en l’air de telles inconséquences et toi là-bas qui plantes le bitume et carottes le passé comme de la veine noire dans les raies du malheur bêche à dents je cause j’écosse les petits frais les perles d’Amazone les verts de terre au sarcloir nomade sur manège de pleine lune ma main à couper que tu tords tes Saturne qu’ils glissent au bout de tes doigts je suis de la volée de la manne du semis me mettre en route ne sert rien.

29

j’ai étalé mon rêve outils cosses et mes pots de couleurs l’éventail magicien des alchimies intimes j’ai poussé devant ma boutique de quoi tremper les ailes à l’assaut des parfums pour des achats au commis voyageur ai feulé mes avantages dansé la palette des voiles murmuré au bassin mis ma peau à miroiter sous le feu j’ai pris le silence même comme un cachet malade devant à l’encoignure des portes table du bateleur couvre-toi ! rien n’est sorti de ce lit de formules l’illusion mais ces tours qui ne naîtront jamais.

30

ô délicieuse ombre dont je suis sortie mue de mon corps défaite misérable de mes écorchures sur le sol de la mort ma peau première mon sac de voyage débutant ma bogue mère je suis ton fruit trop mûr l’amande le craquant de ton cœur ton intime saveur ô délicieuse parure mon bois mon écorce de mains jointes et mousse femme dont j’ai sorti mes nouvelles amours ô toi ma solitude insolvable.

31

déposer la nuit comme un mésoscaphe sur le sable zeppelin des eaux enflé de l’air pur et des songes coulent sur moi les rideaux neufs je nais avec douleur vers un autre jour dont j’ignore encore le ventre et les cuisses homme tu m’enfantes peut-être homme tu mets aussi au monde le sais-tu quand je rue dans les brancards comme une éclaboussure de lait sur une bouche neuve.

33

je désespère toucher le poreux des terres je désespère de ces âmes non miscibles comme du grain perdu semé sur des nuages.

34

la porte s’ouvre qui donc étend la ruelle ? un peu d’eau les pas lentement lentement chavirent l’ombre file à jours perdus la terre fuit par les fenêtres poème tu meurs dans les volets des doigts dentelle des haleines tissées qui trace sur le sol l’écharpe triste ? la porte se ferme ces damiers intérieurs bracelets au cou cheveux perdus il pleut souvent entre mes chambres poème meurs - tu poème cendre ?

35

morsures à la langue je fiche mes crocs dans tes muqueuses comme je t’en veux jusqu’au bout des impatiences de ce que je ne serai jamais morsures à la langue une simple goutte suffit pour mettre du rouge sur parole ce qu’il faut de révolte ce goût d’hémoglobine qui braque la tête je reviens frapper du crâne le mur inaliénable.

36

le goût sucré des pollens comme un essaim à pleine bouche pacotille des fleurs jetée au fil de l’air que l’on tète en sirop chaque soleil qui passe ma soif est assise aux chaises des terrasses avec un nez dedans et le calice des jours ce rien d’un trop plein de lumière qui vous bourre de nostalgies je sens l’enfance remonter en chenilles l’urticaire de périr au cœur des corolles sous ma jupe la mort éternue ses sérums un printemps revenu pour un printemps parti.

37

arbres des auras irrigant le vol des sèves de la Terre serrer contre la peau ces deltas de veinules le battement végétal arbres éventails ébrouant le miasme volatil des misères ouvrir les fenêtres accouder le cœur au souffle arbres vertèbres l’échelle du rêve est appuyée sur vous grimper dans vos écorces et voir.

38

j’enfile l’éveil sur le délit de nuit le costume de vivre le gâchis sur mesure de boues et de pluie nègre quelqu’un se lève aussi puisque l’horizon monte assis sur le fil de ma terre il dresse la lumière dans le cerceau des yeux faire une arène un périple tendu entre les chapiteaux il dézippe le ciel cousu des tentures et zappe l’interstice encore un tour de piste encore un tour de cirque.

39

prendrons-nous dans le ventre ces rues noires de Tunis nos veines cisaillées administrées de haine et cette peur odieuse de qui s’épèle autre la prendrons -nous enfin à poings blanchis une tranchée après l’autre jusqu’à ce qu’amour s’en suive tu viens ton sang en bandoulière et l’espoir sous nos pelles enterré et funèbre mourir deux fois ne semble pas de trop prendrons-nous dans le ventre ces terreurs capitales viscères égotistes occluses et ces possessions qu’on ne peut jamais scinder les prendrons-nous enfin ongles acérés une entaille après l’autre jusqu’à ce qu’amour s’en suive.

40

je voudrais scander avec application mon poème le fer marteler mes tympans qu’il ressasse pour moi comme ressasse la mer j’aimerais n’avoir qu’à le marcher le marcher pas à pas et sa musique en moi pour vérifier le destin reprendre à chaque aube un cri parfait le redire comme je construirais la fin de l’univers le point de revenir j’aimerais étendre ma phrase le long du pas du talon au talon l’entendre ainsi qui grincerait le cuir voyage tour incessant moulin on me verrait plus ombre encore porter mon lac au cou mon écharpe lourde du carcan solitaire y aller en ânonnant la peur la fatigue la quête impossible j’égrènerais mon poème puisque ce n’est donc que ça vivre jusqu’à son rendez-vous.

41

grave chute de bleu sur une pente douce tandis que l’azur s’en sort avec une côte brisée et un rayon fracturé hier soir, le ciel- après un dernier verre de pluie foutreuse- perdit la maîtrise de son petit cumulus traction zéphyr mal engagé dans un virage en épingle à chapeau, il lâcha son volant fausse manœuvre encore et le bleu se mit en torche tombant en falaise fâcheuse posture pour un ciel de traîne qui prit feu aussitôt les sirènes ont hurlé l’espace de l’incendie on estime encore ces beaux dégâts mais il parait déjà certain que l’assurance prendra tout à sa décharge.

42

mon cœur est un territoire vert où l’infini lance des cailloux crops circles d’ondes solides un fluide de glèbe soulève ma peau tu viens de l’intérieur... avec une marée épaisse lourde sous laquelle poussent des tumultes...et déformes mes jardins séismes venus des hypnoses de la lune une très longue vague boueuse de cendres effritant le magma masqué du pergélisol craquement sans fin d’un totem qui prendrait sève je me tais ouvrir le corps est l’unique parole un territoire vert et l’immense remous du monde.

43

tenir le verbe haut côté tuyau houppe au ciel pommeau large quelques pâtés de larmes tombés sur la tranche et une encre ordinaire pour saucer l’azur il pleuvra enfin ! de quoi rincer la rage de mots de grêle verbeuse sur mon écuelle j’entreprends les pies voler me serait bien utile monte en l’air de ne savoir faire mieux est-ce un projet de vivre que de mauvais augures mais lire couramment le télégraphe et je peux déjà siffler.

44

par le temps que j’expire soufflets d’orgue qui s’ouvrent qui se ferment qui battent sur mes tempes je suis dedans qui prends le vent j’ovale la musique des chapelles de bravoure éclatées sur mes voûtes le bruit de grands dieux les heures défilent avec le ciel riches délavées et moi dedans ronde sur la portée mes assises tremblent de ne savoir chanter.


bloc-anciens textes.

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