Journal poétique / www.jouyanna.ch

des cirons

mardi 5 novembre 2013, par Anna Jouy

écrire une lettre ne sert à rien.
les mots sur la feuille, sur le clavier sont autant de processionnaires barbares qu’on ne veut pas toucher pour éviter un venin, une paralysie, le feu.

les phrases font des sillons dans le bois, des marques de dents sur la peau, des fils voguant sur un cordeau de nippes : le cœur de l’arbre ne bronche pas, la peau respire encore et le vent s’en bat des ciels.

une lettre c’est à peine vivant que c’est déjà mort, à peine un instant.
j’ai écrit beaucoup de lettres le plus souvent restées sans réponse. plus d’ailleurs j’en attends un retour, l’écho, moins il y a de probable revenir.
des missives boomerang ? non, mais le fond de l’univers est grand et finalement longtemps après, qui sait, sentirais-je le souffle fusillant d’une réponse.
plus il m’importe et moins cela peut advenir, venir de loin, ou de tout près mais venir vers, unis.

les messages ne servent pas.

en littérature, quand un homme dit désir ou sexe ou communion, on sait qu’il parle de création, qu’il poursuit son ouvrage d’encre.

si c’est une femme qui l’écrit, on songe simplement qu’elle vend son corps, insinue sa chair partout. on veut la baiser, on s’exciterait même...
elle n’entre pas dans la matière des mots et de la parole. elle est sur le terrain sans métaphores.
si souvent en littérature, les femmes font le ménage ou sont des êtres
objets. rôles à maintenir.

écrire comme un homme ? même ça, ne nous ferait pas profit.


Mansour Joyce

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