hors chants
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quelques mesures
20 mars 2016
– Ecrire avec cette corde élastique, le chien de l’âme bien tenu. Il n’ira guère plus loin que la « maîtrée ».
– Ecrire et se savoir délestée, se savoir sans pesanteur et perdant au fil du pas, cette charge de jours qui empêche de voler. Ecrire partout, comme si on jetait son corps, tel un dé sur une mappemonde. On aimerait tant se suffire à soi-même, se dire qu’il est temps de dé-bouler cette corde qui nous tient, serrée boule sèche.
Ou alors (...)
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mon pays de citernes
13 mars 2016
Les oiseaux nagent sur le dos de ton champ. Ils font des trouées, invisibles peut-être pour d'autres mais toi tu vois leurs traînées poudreuses sur l'image. Ce sont les perceurs de coffre-fort de la lumière. À l'instant de leur passage, mieux vaut ne pas pointer le nez en l'air. On y manquerait se noyer dans un filet de vide. Corneilles et passereaux, c'est un métier qu'on n'apprend pas sur le tas ! Tu as beau claquer des mains, applaudir (...)
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rêve du scribouilleur
9 mars 2016
Tu mets quand même dans le texte une pincée de fables, comme on se met sous le coude sa réserve de munitions. A quoi cela servirait-il que tu dormes, que tu contemples, que tu t'assois en tailleur sur des coussins bien durs, s'il te faut filtrer le vrai du feu ?
Parfois, tu baises avec des génies de la lampe, des dresseurs de mamelles. Tu me crois ? Ou tu m'éventes ? Parfois, le vin fort tache indélébile le drap de l'innocence. Tu (...)
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la vue
1er mars 2016
Ce très proche, le nez dedans la si petite mesure de la vue. L’œil fraternise avec la matière à s’en dévoyer. Il devient lourd de sable de limon. Lourd des structures caverneuses du puits. Rien ne le déleste. Il se charge à détours de noirceurs différentes. Il inventorie obligé le souterrain. En décompte les parcelles les miettes les bouts de ficelle. Il construit le mur de matériaux faits autant d’obscurités et sons et de rugosités. Les (...)
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hiver
20 février 2016
Ce paysage, l'hiver. Les terres plates, repliées sous la mer dans des brumes frileuses. Parfait décor où développer ses rêveries et ses errances. Ici, dans l'humide glacé de la saison, ces êtres en proie au doute, au caprice de leur déraison, trouvent un terreau idéal. Les bulbes des fleurs de spleen bougent et surgissent. Chacun couve alors jalousement son secret, le protège et le nourrit à grandes tirées d'opium ou d'herbes folles. On (...)
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Jour, sois tranquille.
9 février 2016
Jour, sois tranquille il ne se passera plus rien. Aucune étoile ne troublera l’immense, le ciel a rangé ses épingles ! Un coup de pinceau, lasures d’un vent fort sur le céleste veineux. Ici l’arbre danse à l’envers. Je ne règle pas l’ardoise, il faut continuer à noter à la griffe le bruit des êtres qui s’éveillent. Tendre sa douleur de gencives sous la craie. Sois tranquille mon jour, ce jus de nuages cicatrise et les trous de la pluie se (...)
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il pousse aussi des arbres là-haut ?
31 janvier 2016
Editions Alcyone /Silvaine Arabo
Vient de paraître aux Editions Alcyone (Collection Surya)
DE L’ACIDE CITRONNIER DE LA LUNE
poèmes de
ANNA JOUY
Anna Jouy est née en 1956 en Suisse romande. Elle y vit et y travaille. Elle a fait des mises en
scène de spectacles, écrit également des chansons pour quelques musiciens. On lui doit un
certain nombre d’ouvrages : romans policiers, poésie...
“Parler de l’arcane de vent, ce mystère qui s’exprime toujours par l’intermédiaire. Le (...)
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trait tiré
24 janvier 2016
Dans la nuit zèbre. Le noir que je porte est en deuil, ces lignes étreintes entre des palissades. Les idées me viennent, suie contre suie. Et ce secret charbon qu’elles brûlent aussitôt calamine. C’est le navrement, les rebellions de l’obscur, comme une encre dans laquelle on noie ses chats superstitieux et qui vomirait soudain des ergots vannés à mort. J’ai crâne calciné, manière noire.
Je décompte, je retiens les riens, discours percé, (...)
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love letters
17 janvier 2016
J'ignore toujours ton prénom, le sais-tu ? Tu portes ton nom avec une telle grâce, je ne veux rien savoir d'autre qui pourrait en alourdir la légèreté. Quand je le dis, je vois le sommet d'un arbre, très haut et empli d'oiseaux qui pépient. Tu vois ? Une sorte de nuage de bruits mais de bruits qui volent et roulent dans le ciel, ensemble. Ces masses d'étourneaux qui s'exercent au voyage, qui s'enroulent et se défont dans une seule vague. (...)
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forme
7 janvier 2016
Je n’ai pas appris la césure, la coupe faite, là où rien ne poussait, pas plus une respiration qu’une idée. Je n’ai pas appris à lever la langue en rompant ma chute, un instant suspendu avant le bruit brisé. Je n’ai pas appris à aérer au vilebrequin l’épaisseur. L’ouate du dire ne répond pas et le Manitoba pas plus. C’est définitif, la brique, le plot, la moelle du poème par paquets de nerfs. Je n’ai pas appris l’escalier du texte, la marche, (...)