livre des suites
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je vis que l’homme tirait avec lui un bateau...
4 décembre 2016
je vis que l'homme tirait avec lui un bateau et dedans une île et une poignée de sables.
il posa sur la table la plage de ses poches, but rapide sa terre noire et volcanique et sa nudité leva une voile dans laquelle était un poème neuf comme un ruban de fête.
il disait bonjour.
avec des histoires fragiles comme l'improbable météo du Nord.
il disait mon cœur est un œuf de jade, mon esprit d'abalone cherche l'autre réponse.
il disait (...)
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berceuse
2 décembre 2016
à cette heure, la dernière mue,quand je me déshabille d'un ton, quand je ne sais plus trop si les doigts construisent ou défont les pianos et qu'un dernier souffle tombe du corps, chemise en cordes crues, une ombre au point de tige.
je vais entre les jarres, la paume affamée du mendiant. je vais comme un chat frotter mon cafard contre quelques nocturnes. je vais user moi aussi le sourire de crème et de cerise d'un clavier nègre et (...)
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musique
1er décembre 2016
un homme décante les rimes au bazar des mots.
le vin coule et dans son lit, les belles pierres
sa voix scande comme une basse fait au ciel quelques nuages
pour le nerf et le pelage des dieux
j'écoute l'ivresse.
parfois un mot tape dans mon âme, vagabond qui m'apporte des nouvelles d'un vieux frère
cet homme, mon frère, me dit sans fin again
et lui, comme un instrument parmi les cordes, laisse vibrer son corps guimbarde
il pense à moi (...)
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suite
25 novembre 2016
Nous nous sommes connus. Il faut bien que quelque chose débute. Le temps lui-même connait cette leçon, quitte ensuite à la reprendre. C’était la première vie, j’étais à la base des plantes, une mousse verte et puis jaune un peu au-dessus, une toison de fleurs très douces et discrètes. J’étais couchée et dans la forêt partout j’étendais ainsi ma laine de verdure, comme un velours. Je voulais moi aussi ramper car j’aimais l’eau mais la rivière (...)
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parler
22 novembre 2016
Je vous aime. Il s’agit de le dire assez lentement et dans son étendue qui est derrière moi dont je ne connais ni les lieux, ni les cartes mais juste de l’avoir vécu dans le rêve et de l’avoir ramené du voyage comme une pierre précieuse couvant en son œil une histoire. Je parlerai. C’est ainsi avec des précautions particulières, j’userai de mots incertains, du flou des gommes et des intonations qui tombent en oubliant les mots, comme de la (...)
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sécheresse.
20 novembre 2016
quatre jours. le silence dans ma bouche lentement tourne comme un vase sur le tour de la langue. et rien ne monte que les socles de la cendre et de la terre. les mots ont saveur d'humus et en les gardant en moi, je goûte et détaille la mort.
quatre jours. le ciel le matin essaie de quitter son ombre et vaque en tirant cette aube de laine, je l'étends d'une main fébrile de l'Est jusqu'à l'Ouest et ce ne sont que des traînées de rêves de (...)
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penser ou suivre
16 novembre 2016
En parlant de nuances, je ne suis pas grand-chose, encore moins quelqu’un et encore moins que rien. C’est ce qu’on m’a dit, une sorte d’esquisse qui se glisserait comme ça dans les fractales du monde. Je suis un mouvement, un mouvement de foule, de houle, de boule qui roule dans un corridor dehors. Tiraillée par les côtés, je bouge malgré mon inertie. Je veux dire que même en restant très inactive, j’avance quand même. Comme quoi tout est (...)
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patiente
15 novembre 2016
La patience est mon point fort. Je peux ronger mon frein longuement comme un vieux chien sa balle en caoutchouc. Je suis une impassible. Le temps me coule dessus et ne m’atteint pas. Je peux rester des heures entières, les bras croisés, assise dans une salle d’attente, une gare ou sur un banc public. L’attente est mon état naturel.
J’ai commencé très jeune. Je me suis d’abord attendue moi-même, puis à avoir une vie, puis une vie meilleure (...)
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mon père aussi était silencieux
6 novembre 2016
mon père aussi était silencieux, d'une langue de nuages, grise, enflée de lèpres bleues. j'épelais son dire, comme s'il me fallait atteindre un son inouï. mais derrière la foison du ciel et des gauloises, c'était le même silence du monde, avare et sans raison. j'étais comme une enfant à qui l'on a promis la lune, payée en roupies de sansonnet pour la bravoure de sa patience. il était silencieux et dans ses derniers souffles encore j’espérais (...)
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port d’attache
4 novembre 2016
ouvert la porte-fenêtre, le froid glisse sous les pieds. je lève parmi les herbes, l'herbeuse mer qui pousse sous ma barque. frissons, chair de poule, hérissée. une levée de mâts et de naufrage. le pays lui aussi a des vagues à l'âme. il ondule sous le désir des horizons, d'un côté des montagnes qui bandent et de l'autre l'épuisement des amants, vieilles cales usées. je lève je ne sais quoi, parfois en soi on sent un mercure chaud et parfois le (...)